La Tondeuse Inutilisée et une Occasion Manquée
Dans le calme quartier de Chêneville, où les pelouses sont aussi bien entretenues que les haies, je me suis retrouvé dans une situation délicate. Ma vieille tondeuse avait rendu l’âme, laissant mon jardin ressembler davantage à une jungle qu’à une pelouse de banlieue. En réfléchissant à mes options, je ne pouvais m’empêcher de remarquer la tondeuse de mon voisin Pierre, inutilisée dans son garage. C’était une machine robuste, qui avait connu des jours meilleurs mais qui avait encore beaucoup à offrir.
Pierre et moi avons toujours eu de bonnes relations. Nous échangions des politesses par-dessus la clôture et partagions parfois une bière lors d’une chaude soirée d’été. J’ai donc pensé qu’il ne serait pas malvenu de glisser quelques allusions à propos de ma situation. « Salut Pierre, » dis-je un après-midi alors que nous étions tous deux dehors, « je vois que ta tondeuse n’est pas beaucoup sortie ces derniers temps. La mienne vient de tomber en panne, et je suis un peu dans l’embarras. »
Pierre a ri, « Oui, je ne l’ai pas utilisée depuis un moment. Mais on ne sait jamais quand on pourrait en avoir besoin à nouveau. » Il m’a lancé un regard complice et a ajouté, « C’est toujours bien d’avoir une solution de secours. »
J’ai hoché la tête, comprenant son point de vue mais espérant qu’il pourrait me proposer de me la prêter. « C’est vrai, » ai-je répondu, « mais elle est juste là à prendre la poussière. »
Pierre a haussé les épaules, « Mieux vaut prévenir que guérir, non ? »
Je ne pouvais pas contredire cette logique, mais je ne pouvais m’empêcher de me sentir un peu déçu. La tondeuse était là, inutilisée, tandis que mon herbe continuait de pousser sauvagement. Au cours des jours suivants, j’ai essayé de trouver d’autres solutions. J’ai emprunté une vieille tondeuse manuelle à un autre voisin, mais c’était un travail ardu et cela n’a pas beaucoup aidé à dompter l’herbe indisciplinée.
Puis est venu le tournant inattendu des événements. Quelques jours plus tard, une tempête a traversé Chêneville avec des vents violents et de fortes pluies. Le lendemain matin, en inspectant les dégâts dans mon jardin, j’ai remarqué quelque chose de particulier. La porte du garage de Pierre était ouverte et sa tondeuse avait disparu. Je suis allé voir si tout allait bien.
Pierre se tenait dans son allée, l’air perplexe. « La tempête a dû ouvrir la porte, » expliqua-t-il. « Et quelqu’un a pris la tondeuse. »
J’ai ressenti une pointe de culpabilité pour l’avoir tant convoitée. « Je suis désolé d’entendre ça, » dis-je sincèrement.
Pierre soupira, « J’aurais dû l’utiliser plus souvent ou au moins la garder verrouillée. »
Alors que nous restions là en silence, j’ai réalisé que parfois garder des choses « au cas où » peut mener à des occasions manquées et à des pertes inattendues. La réticence de Pierre à prêter la tondeuse lui avait coûté plus qu’il ne l’avait prévu.
Au final, aucun de nous n’a obtenu ce qu’il voulait. Pierre a perdu sa tondeuse de secours et je me suis retrouvé avec un jardin envahi et aucune solution facile en vue. C’était une leçon sur l’importance de la générosité et les risques de s’accrocher trop fermement aux choses.
En retournant chez moi, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir à combien les choses auraient pu être différentes si Pierre avait été prêt à partager. Parfois, les choses auxquelles nous tenons peuvent nous échapper quand on s’y attend le moins.