Quand Camille a Claqué la Porte, J’ai Senti Mon Monde S’effondrer

« Tu ne comprends donc pas ? Je ne veux pas partir ! »

La voix de Camille résonne encore dans l’entrée, tranchante, presque étrangère. Je reste figé, les clés dans la main, le cœur battant à tout rompre. Notre fille, Léa, s’est réfugiée derrière la porte de sa chambre, silencieuse. Ce soir-là, tout s’est joué en quelques minutes. Camille a claqué la porte, emportant avec elle un sac à dos et une colère que je n’avais pas vue venir.

Depuis des semaines, j’insistais pour qu’on quitte Lille. J’avais trouvé un poste d’ingénieur à Toulouse, bien mieux payé que mon CDD actuel. Ici, on s’en sort à peine avec mon salaire et ses heures à la pharmacie du coin. L’appartement est trop petit, les factures s’accumulent, et Léa va bientôt entrer en primaire. Je voulais offrir mieux à ma famille. Mais Camille refusait d’abandonner sa mère malade, son frère qui galère avec son divorce, ses amis d’enfance. « On n’est pas des nomades ! » criait-elle.

Ce soir-là, j’ai perdu patience. « Tu préfères t’enterrer ici ? Tu veux que Léa grandisse sans avenir ? » Elle a blêmi. « Tu crois que l’argent va tout régler ? Tu crois que je peux tourner le dos à ceux que j’aime ? »

Le silence a suivi. Puis le bruit sec de la porte. Et moi, seul dans le salon, à fixer les murs défraîchis.

Les jours suivants ont été un supplice. Léa me demandait chaque matin où était maman. Je répondais qu’elle avait besoin de réfléchir. Mais la vérité, c’est que je ne savais pas si elle reviendrait. J’ai appelé Camille des dizaines de fois. Elle ne répondait pas. Sa mère m’a raccroché au nez. Son frère m’a envoyé un message sec : « Laisse-la souffler. »

Je me suis mis à douter de tout. Avais-je été trop égoïste ? Trop pressé ? J’ai repensé à notre rencontre à la fac, à nos rêves de voyages, à nos promesses de ne jamais se quitter. Où étaient passés ces serments ?

Un soir, alors que je préparais des pâtes pour Léa, elle m’a regardé avec ses grands yeux bruns : « Papa, tu crois que maman va revenir ? » J’ai senti ma gorge se serrer. « Je l’espère très fort, ma chérie. »

J’ai commencé à écrire une lettre à Camille chaque soir. Je lui racontais mes journées, mes peurs, mes regrets. Je lui disais combien Léa avait besoin d’elle. Combien moi aussi.

Une semaine plus tard, alors que je déposais Léa chez sa grand-mère pour aller travailler, j’ai croisé Camille devant l’immeuble. Elle avait l’air épuisée, les yeux rougis mais déterminée.

— On peut parler ?

Nous sommes allés marcher dans le parc où nous emmenions Léa jouer quand elle était bébé. Le vent était froid, les arbres nus.

— Kevin… Je t’aime, tu sais ? Mais je ne peux pas tout quitter comme ça. Ma mère a besoin de moi. Et puis…

Elle s’est arrêtée, la voix tremblante.

— J’ai peur que tu ne comprennes jamais ce que c’est d’avoir des racines ici.

J’ai voulu protester mais j’ai vu ses mains crispées sur son manteau.

— J’ai grandi ici. J’ai tout ici. Toi aussi tu as ta famille dans le Nord…

Je me suis assis sur un banc.

— Mais on ne peut pas continuer comme ça… On s’épuise.

Elle a hoché la tête.

— Peut-être qu’on doit apprendre à faire des compromis…

Le mot est resté suspendu entre nous.

Les semaines suivantes ont été faites de discussions tardives, de larmes parfois, de silences lourds et de petites victoires : un dîner ensemble sans se disputer, une sortie au cinéma avec Léa qui riait aux éclats.

Finalement, nous avons décidé de rester à Lille… pour l’instant. J’ai accepté un poste moins bien payé mais plus stable dans une PME locale. Camille a repris ses heures à la pharmacie et s’occupe de sa mère les après-midis. On a commencé à économiser pour déménager dans un appartement un peu plus grand.

Parfois je regarde Camille dormir et je me demande si j’ai fait le bon choix. Si sacrifier mes ambitions pour préserver notre famille était la solution ou juste une fuite devant le changement.

Mais quand Léa vient se glisser entre nous le matin et que je sens la chaleur de leurs deux corps contre moi, je me dis que peut-être… peut-être c’est ça le vrai bonheur.

Est-ce qu’on doit toujours choisir entre ses rêves et ceux de ceux qu’on aime ? Ou bien existe-t-il un chemin où personne ne perd vraiment ? Qu’en pensez-vous ?