La confiance qui tue : Histoire d’un poison dans le thé et d’une trahison familiale

« Tu veux encore du thé, Joséphine ? » La voix de Camille résonne dans la cuisine, douce, presque trop douce. Je serre la tasse entre mes mains tremblantes. Depuis quelques semaines, chaque gorgée me brûle la gorge d’une inquiétude nouvelle. Je n’ose plus la regarder dans les yeux.

Tout a commencé après la mort de mon mari, Paul. Il y a six mois à peine, notre appartement du 6e arrondissement de Lyon résonnait encore de ses éclats de rire. Aujourd’hui, il ne reste que le silence, et Camille, la femme de mon fils unique, Vincent. Depuis qu’elle s’est installée ici « pour m’aider », je sens que quelque chose cloche.

Un soir, alors que je feignais de dormir sur le canapé, j’ai entendu Camille parler à Vincent dans le couloir : « Elle ne tiendra pas longtemps comme ça… Tu sais ce que tu as à faire. » Mon cœur s’est arrêté. De quoi parlaient-ils ? De moi ? J’ai voulu croire que j’avais mal compris, que la fatigue me jouait des tours. Mais les jours suivants, tout a empiré.

Camille a commencé à préparer tous mes repas. Elle insistait pour que je prenne mon thé à heure fixe, « pour ma santé ». Mais chaque fois que je buvais, je me sentais faible, nauséeuse. J’ai même fait une chute dans la salle de bains. « Tu devrais te reposer », disait-elle en m’aidant à me relever, son sourire figé sur les lèvres.

Un matin, j’ai surpris une conversation téléphonique :
— Oui, Maître Lefèvre… Non, elle n’a pas encore signé… Oui, je m’en occupe.

Maître Lefèvre, c’est le notaire de la famille. Pourquoi Camille parlait-elle avec lui sans m’en informer ?

J’ai tenté d’en parler à Vincent. Il m’a écoutée distraitement, les yeux rivés sur son téléphone :
— Maman, tu te fais des idées. Camille veut juste t’aider.

Mais je voyais bien qu’il évitait mon regard. Depuis qu’il avait perdu son emploi à la banque, il semblait absent, comme vidé de toute volonté.

La nuit suivante, j’ai fait un cauchemar : Camille versait un liquide sombre dans ma tasse pendant que Vincent détournait les yeux. Je me suis réveillée en sueur, le cœur battant à tout rompre.

Le lendemain, j’ai décidé de ne plus boire le thé qu’elle me préparait. J’ai prétexté une indigestion. Camille a haussé les sourcils :
— Tu es sûre ? C’est ton préféré…

J’ai hoché la tête sans répondre. Elle a posé la tasse devant moi avec insistance. J’ai attendu qu’elle quitte la pièce pour la vider dans l’évier.

Les jours ont passé et ma santé s’est améliorée. Je retrouvais un peu de force. Mais Camille devenait nerveuse, impatiente. Un soir, elle a éclaté :
— Tu ne me fais pas confiance ? Après tout ce que je fais pour toi ?

Je l’ai regardée droit dans les yeux :
— Je n’ai jamais rien demandé.

Elle a claqué la porte de ma chambre si fort que les cadres ont tremblé.

J’ai commencé à fouiller dans ses affaires pendant qu’elle faisait les courses. Dans son sac à main, j’ai trouvé un flacon sans étiquette et une ordonnance au nom d’un médicament dont je n’avais jamais entendu parler. Mon cœur s’est serré.

J’ai pris rendez-vous chez le médecin de famille en cachette. Après quelques analyses sanguines, il m’a regardée avec gravité :
— Madame Dubois, il y a des traces d’une substance inhabituelle dans votre sang… Vous devriez être prudente.

Je suis rentrée chez moi bouleversée. J’ai appelé ma sœur Marie à Paris :
— Marie, je crois que Camille essaie de m’empoisonner.
— Joséphine… tu es sûre ? Ce genre de chose n’arrive pas chez nous !
— Et pourtant…

Marie m’a promis de venir dès le lendemain.

Ce soir-là, j’ai surpris une dispute entre Vincent et Camille :
— Tu vas trop loin !
— On n’a pas le choix ! Tu veux finir à la rue ?

J’ai compris alors que tout tournait autour de l’argent. Mon appartement valait une fortune et ils étaient au bord du gouffre financier.

Le lendemain matin, Marie est arrivée à l’improviste. Sa présence a tout changé. Camille a perdu son assurance ; Vincent évitait nos regards.

Marie a exigé une explication devant tout le monde :
— Camille, pourquoi as-tu ce flacon ? Pourquoi parles-tu au notaire derrière le dos de Joséphine ?

Camille a fondu en larmes :
— Je voulais juste qu’elle signe la donation… On n’a plus rien ! Je n’ai jamais voulu lui faire du mal…

Vincent s’est effondré sur le canapé :
— Je suis désolé, maman… Je ne savais plus quoi faire.

J’ai ressenti un mélange de soulagement et de tristesse infinie. Ma propre famille avait failli me trahir pour un héritage.

Aujourd’hui, Camille et Vincent ont quitté l’appartement. Je vis seule avec Marie qui veille sur moi. Mais chaque fois que je prépare du thé, je repense à cette confiance aveugle qui aurait pu me coûter la vie.

Est-ce qu’on peut vraiment se protéger des siens ? À quel moment la confiance devient-elle une faiblesse fatale ?