Entre Deux Feux : Mon Mari, Mon Ex-Belle-Mère et Moi
« Tu lui as encore parlé ? » La voix de Julien claque dans la pièce comme un coup de tonnerre. Je sursaute, mon téléphone encore chaud dans la main. Il fixe l’écran, où le prénom de Françoise s’affiche en haut de la conversation. Je sens la colère monter en lui, cette tension qui fait vibrer l’air entre nous.
Je balbutie : « Elle n’a personne d’autre… Tu sais bien que son fils ne lui parle plus depuis le divorce. »
Julien secoue la tête, les mâchoires crispées. « Ce n’est plus ton problème, Claire. Tu es ma femme maintenant. »
Je baisse les yeux, honteuse et perdue. Comment lui expliquer ce que Françoise représente pour moi ? Elle m’a accueillie à bras ouverts quand j’avais vingt ans, perdue dans une nouvelle ville, loin de ma famille de Bretagne. Elle m’a appris à cuisiner la blanquette de veau, m’a consolée lors de mes fausses couches, m’a serrée contre elle quand son fils – mon ex-mari – m’a quittée pour une autre.
Mais ce soir, tout cela semble dérisoire face à la jalousie de Julien. Il ne comprend pas. Pour lui, parler à Françoise, c’est trahir notre couple, c’est garder un pied dans le passé.
« Tu ne peux pas couper les ponts ? » insiste-t-il. Sa voix tremble, il est blessé.
Je me défends : « Elle est seule, elle n’a plus personne. Je ne peux pas l’abandonner comme ça… »
Julien se lève brusquement et quitte la pièce. Je reste là, figée, le cœur battant trop fort. Les souvenirs affluent : les Noëls passés chez Françoise à Lyon, les longues discussions sur le balcon en été, son rire qui résonne encore dans ma mémoire. Je me revois pleurer dans ses bras après mon divorce, alors que ma propre mère me disait de tourner la page.
Le lendemain matin, Julien ne m’adresse pas la parole. Il part au travail sans un mot. Je me sens coupable mais aussi en colère contre lui. Pourquoi devrais-je choisir ? Pourquoi la fidélité à mon mari devrait-elle effacer tout ce que j’ai vécu avant lui ?
Je décide d’appeler Françoise. Sa voix fatiguée me serre le cœur.
« Claire, tu vas bien ? »
Je mens : « Oui… enfin non. Julien a découvert qu’on se parlait encore. Il ne comprend pas. »
Un silence gênant s’installe.
« Tu sais, ma chérie… Je ne veux pas te causer de problèmes. Si tu dois arrêter de m’appeler pour être heureuse avec lui… »
Je sens les larmes monter. « Mais tu es comme une mère pour moi ! »
Elle soupire doucement. « Parfois il faut savoir laisser partir les gens qu’on aime… »
Je raccroche en pleurant. Toute la journée, je tourne en rond dans l’appartement parisien que nous partageons depuis deux ans. Je repense à mes choix : ai-je le droit de garder un lien avec mon passé ? Est-ce une trahison envers Julien ? Ou bien est-ce lui qui est injuste ?
Le soir venu, je tente d’ouvrir le dialogue.
« Julien… On peut parler ? »
Il s’assoit en face de moi, les bras croisés.
« Je comprends que ça te dérange… Mais Françoise n’est pas juste mon ex-belle-mère. Elle a été là quand personne d’autre ne l’était. Je ne veux pas te blesser mais je ne peux pas l’abandonner non plus. »
Il détourne les yeux. « J’ai peur que tu regrettes ton passé… Que tu sois encore attachée à cette vie-là. »
Je prends sa main. « Mon passé fait partie de moi mais c’est toi que j’ai choisi aujourd’hui. »
Il soupire longuement. « Et si c’était moi qui gardais contact avec mon ex-belle-mère ? Tu réagirais comment ? »
Je réfléchis un instant. « Je crois que je serais jalouse aussi… Mais je voudrais comprendre pourquoi tu le fais. »
Un silence s’installe entre nous, lourd mais moins agressif qu’avant.
Les jours passent et la tension retombe peu à peu. Mais rien n’est vraiment réglé. Je continue d’envoyer des messages discrets à Françoise, de peur de blesser Julien mais incapable de couper ce lien qui me semble vital.
Un dimanche matin, alors que nous prenons le petit-déjeuner sur le balcon, Julien me regarde longuement.
« Tu sais… J’ai réfléchi. Peut-être que j’ai été trop dur avec toi. Mais j’ai besoin que tu me rassures sur ta place ici, avec moi. »
Je souris tristement. « Je suis là, Julien. Mais je ne peux pas effacer celle que j’étais avant toi… Ni ceux qui ont compté pour moi. »
Il hoche la tête et me prend dans ses bras.
Ce soir-là, je relis les anciens messages de Françoise et je me demande : faut-il vraiment choisir entre son passé et son présent ? Peut-on aimer sans renier ce qui nous a construits ?
Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ?