Ce Rendez-vous que Je N’oublierai Jamais : Une Nuit Gravée pour les Mauvaises Raisons

« Tu ne comprends donc rien ! » La voix de Zacharie résonne encore dans ma tête, tranchante comme une lame. Pourtant, tout avait si bien commencé. C’était un samedi pluvieux à Paris, et je m’étais réfugiée dans la petite librairie de la rue des Martyrs, mon sanctuaire depuis l’enfance. Entre deux étagères, j’ai croisé son regard. Il tenait un polar de Fred Vargas, moi un vieux Simenon. Un sourire, une remarque sur le choix des auteurs, et la conversation s’est enflammée comme une allumette sur du papier sec.

Les jours suivants, nos messages s’enchaînaient : énigmes littéraires, confidences nocturnes, promesses voilées. J’avais l’impression de revivre, après tant d’années à me méfier des hommes depuis la trahison de mon ex, Guillaume. Quand Zacharie m’a invitée à dîner dans ce petit restaurant italien du 9e arrondissement, j’ai hésité, puis accepté, le cœur battant.

Le soir venu, j’ai passé une heure devant le miroir, hésitant entre deux robes. Ma sœur Camille m’a taquinée : « Tu vas finir par être en retard à force de te demander si tu es assez bien pour lui ! » J’ai ri, mais au fond, la peur de ne pas être à la hauteur me rongeait. Arrivée devant le restaurant, j’ai aperçu Zacharie déjà attablé, plongé dans son téléphone. Il a levé les yeux, m’a souri – ce sourire qui m’avait tant charmée.

Au début, tout semblait parfait. Nous avons parlé littérature, voyages, enfance. Mais très vite, la conversation a dérapé. Il a évoqué sa famille : « Ma mère n’a jamais accepté mes choix. Elle voulait que je sois avocat comme mon père. » J’ai senti une tension dans sa voix. J’ai tenté de le rassurer : « Tu sais, on ne vit pas pour les autres… » Mais il m’a coupée : « Facile à dire quand on n’a pas grandi avec une mère qui te fait sentir coupable à chaque respiration. »

Le serveur est arrivé avec nos plats – des tagliatelles aux cèpes pour moi, une pizza pour lui. Mais l’appétit n’y était plus. Zacharie s’est renfrogné, a vidé son verre d’un trait. J’ai tenté de changer de sujet : « Tu as lu le dernier Lemaitre ? » Il a haussé les épaules : « Les romans policiers, c’est pour ceux qui fuient la réalité. »

Un silence gênant s’est installé. Je me suis sentie minuscule sous son regard durci. J’ai repensé à mon père qui me répétait toujours : « Ne laisse jamais quelqu’un te faire sentir moins que ce que tu es. » Mais ce soir-là, j’avais l’impression d’être redevenue cette adolescente timide et maladroite.

La tension est montée d’un cran quand il a évoqué son ex : « Elle aussi croyait tout savoir sur moi. Vous êtes toutes pareilles… » J’ai senti mes mains trembler. J’ai voulu partir mais quelque chose me retenait – l’espoir absurde que la soirée se redresse.

Soudain, il s’est levé brusquement : « Je vais fumer. » Il a claqué la porte derrière lui. Le serveur m’a lancé un regard compatissant. J’ai eu envie de pleurer. Mon téléphone a vibré – un message de Camille : « Alors, ce prince charmant ? » J’ai tapé : « Cauchemar… »

Zacharie est revenu dix minutes plus tard, l’odeur du tabac collée à sa veste. Il s’est assis sans un mot. J’ai rassemblé mon courage : « Écoute, je crois qu’on ne se comprend pas… Peut-être qu’on devrait en rester là ? »

Il a éclaté de rire, amer : « Voilà, tu abandonnes comme toutes les autres ! »

J’ai payé ma part et je suis sortie sous la pluie battante. Les gouttes masquaient mes larmes. J’ai marché longtemps dans les rues désertes de Paris, repensant à cette soirée qui aurait pu être belle.

En rentrant chez moi, Camille m’attendait sur le canapé avec une tasse de chocolat chaud. Je me suis effondrée dans ses bras.

« Pourquoi est-ce si difficile d’aimer sans se perdre ? Pourquoi cherche-t-on toujours à réparer ceux qui ne veulent pas l’être ? »

Et vous, avez-vous déjà eu l’impression de revivre vos propres blessures lors d’un rendez-vous ? Est-ce qu’on peut vraiment tourner la page du passé ou sommes-nous condamnés à répéter les mêmes erreurs ?