Un cœur de mère brisé : Le combat de Claire et la trahison involontaire

— Tu ne comprends rien, maman ! hurle Lucas en claquant la porte de sa chambre.

Je reste figée dans le couloir, la main tremblante sur la poignée. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser. Camille, ma petite dernière, m’observe du haut de ses douze ans, les yeux pleins de larmes qu’elle tente de ravaler. Depuis le divorce avec Antoine, leur père, notre vie n’est plus qu’une succession de tempêtes. Je me bats chaque jour pour leur offrir un semblant de stabilité, mais ce soir, tout s’effondre.

Ce matin encore, j’ai croisé Antoine devant le collège. Il avait ce sourire narquois qui me donne envie de hurler. Il a posé une main sur l’épaule de Lucas, lui a murmuré quelques mots à l’oreille. Depuis, mon fils est devenu une boule de colère. Je sais qu’Antoine lui monte la tête contre moi, qu’il lui promet monts et merveilles s’il vient vivre chez lui à Lyon. Mais Lucas ne sait pas… Il ne sait pas que son père n’a jamais voulu de la garde partagée, qu’il a préféré refaire sa vie avec une autre femme, loin de nous.

— Maman… Tu crois que Lucas va revenir dîner ? demande Camille d’une voix timide.

Je soupire et tente un sourire rassurant. — Bien sûr, ma chérie. Il a juste besoin de se calmer.

Mais au fond de moi, je sens que quelque chose s’est brisé ce soir. Je repense à toutes ces nuits blanches passées à veiller sur eux, à ces petits-déjeuners improvisés avant l’école, à ces éclats de rire qui résonnaient encore dans notre appartement il y a quelques mois. Où est passée cette complicité ?

Le lendemain matin, Lucas n’est pas là. Son lit est froid. Je trouve un mot griffonné à la va-vite sur la table : « Je vais chez papa. Ne me cherche pas. »

Je m’effondre sur la chaise, incapable de retenir mes sanglots. Camille s’approche et me serre dans ses bras. — Il reviendra, maman…

Mais je sens que tout m’échappe. J’appelle Antoine, la voix tremblante :

— Tu sais où est Lucas ?

— Il est avec moi. Il avait besoin d’air, Claire. Tu devrais le laisser tranquille.

Sa voix est froide, tranchante. J’ai envie de hurler, de lui rappeler toutes ses absences, ses promesses non tenues. Mais je ravale ma colère. Pour Lucas. Pour Camille.

Les jours passent. Lucas ne donne plus de nouvelles. Camille se referme sur elle-même, refuse d’aller à l’école. Je dois jongler entre mon travail à la mairie et les rendez-vous chez la psychologue scolaire. Les voisins murmurent dans l’immeuble : « Pauvre Claire… Elle n’a jamais su tenir ses enfants… »

Un soir, alors que je rentre tard du travail, je trouve Camille assise dans le noir.

— Maman… Je veux aller vivre avec papa aussi.

Son regard est vide, résigné. Mon monde s’écroule une seconde fois.

— Pourquoi ?

— Parce que tu cries tout le temps… Parce que Lucas me manque… Parce que papa dit que tu es fatiguée et que tu ne souris plus jamais.

Je tombe à genoux devant elle, les larmes coulant sur mes joues.

— Je fais tout ça pour vous… Je vous aime plus que tout au monde…

Mais mes mots se perdent dans le silence du salon.

Quelques semaines plus tard, le juge tranche : garde alternée imposée. Les enfants passeront une semaine chez moi, une semaine chez Antoine. Je me sens trahie par la justice, par Antoine, par mes propres enfants même si je sais qu’ils n’y sont pour rien.

La première semaine sans eux est un supplice. J’erre dans l’appartement vide, ramasse leurs vêtements oubliés, respire leurs odeurs sur les oreillers. Je me surprends à parler toute seule :

— Est-ce que j’ai tout raté ? Est-ce que je suis une mauvaise mère ?

Un soir d’automne, alors que la pluie tambourine contre les vitres, Lucas m’appelle enfin.

— Maman… Je peux venir dormir ce soir ? Papa travaille tard et Camille pleure tout le temps.

Mon cœur bondit dans ma poitrine.

— Bien sûr mon chéri ! Viens vite !

Quand il arrive, il se jette dans mes bras comme quand il était petit garçon. Nous restons enlacés longtemps sans rien dire.

— Tu sais maman… Je t’en veux parfois… Mais je t’aime quand même.

Je caresse ses cheveux en silence. Je comprends alors que l’amour d’une mère n’est jamais parfait mais qu’il survit à toutes les tempêtes.

Aujourd’hui encore, je me demande : aurais-je pu faire autrement ? Est-ce que l’amour suffit vraiment à protéger ceux qu’on aime ? Et vous… jusqu’où seriez-vous prêts à aller pour vos enfants ?