Quand la facture du mariage est tombée : L’amour à l’épreuve
— Camille, tu peux venir un instant ?
La voix de ma mère résonne dans le couloir, tremblante, presque étrangère. Je descends les escaliers, le cœur battant. Dans le salon, mes parents sont assis côte à côte, la facture du traiteur posée devant eux. Mon père évite mon regard, les mains crispées sur ses genoux. Ma mère a les yeux rouges, comme si elle avait pleuré toute la nuit.
— Camille, commence-t-elle d’une voix basse, on doit te parler de quelque chose d’important…
Je sens déjà la tempête arriver. Depuis des mois, on prépare ce mariage avec Julien. On a choisi le château près de Tours, réservé le photographe, commandé les fleurs. Mes parents avaient promis de tout prendre en charge. C’était leur cadeau, leur façon de me montrer qu’ils étaient fiers de moi. Mais là, devant cette feuille blanche couverte de chiffres, je comprends que quelque chose ne va pas.
— On ne peut pas payer tout ça, souffle mon père. On a eu des soucis… la voiture, la toiture… On pensait pouvoir s’en sortir mais…
Je reste figée. Les mots ricochent dans ma tête : « On ne peut pas ». Je pense à Julien qui m’attend dans notre petit appartement à Nantes, à ses parents à lui qui n’ont jamais proposé d’aider. Je pense à la robe que j’ai déjà essayée trois fois, au sourire de ma grand-mère qui disait : « Tu vas voir, ce sera le plus beau jour de ta vie ! »
— Mais… vous m’aviez promis !
Ma voix se brise. Ma mère se lève pour me prendre dans ses bras mais je recule. Je sens la colère monter, une colère sourde contre eux, contre moi-même d’avoir cru que tout serait facile.
Le soir même, j’appelle Julien.
— Tes parents pourraient peut-être aider ?
Il soupire.
— Tu sais bien qu’ils n’ont pas les moyens… Et puis, c’est notre mariage, pas le leur.
Je sens une distance s’installer entre nous. On commence à compter chaque centime, à discuter des invités à rayer de la liste. Ma sœur Lucie me reproche de vouloir « un mariage de princesse » alors que « tout le monde galère en ce moment ». Mon frère Paul me lance :
— Franchement Camille, tu crois pas que t’exagères ? On peut très bien faire ça à la mairie et au PMU du coin !
Je me sens seule. Même Julien devient distant. Un soir, il rentre tard du travail et me trouve en train de pleurer sur le canapé.
— Camille… On s’aime, non ? On n’a pas besoin de tout ce cirque pour être heureux.
Mais je n’arrive pas à lâcher prise. J’ai l’impression que si je renonce à ce rêve, je renonce à une partie de moi-même. Je repense à mon enfance dans cette maison où mes parents se disputaient souvent pour l’argent. Je voulais croire qu’au moins pour mon mariage, tout serait parfait.
Les semaines passent et les tensions s’accumulent. Ma mère m’évite, mon père ne parle plus du mariage. Un dimanche midi, alors que toute la famille est réunie autour du poulet rôti, ma grand-mère lance :
— À mon époque, on se mariait avec trois fois rien et on était heureux !
Tout le monde rit sauf moi. Je me lève brusquement et quitte la table.
Dans ma chambre d’adolescente, je regarde les photos accrochées au mur : mes parents jeunes et amoureux, Lucie et moi déguisées en princesses, Paul qui fait le pitre devant la caméra. Je me demande quand tout a commencé à se fissurer.
Quelques jours plus tard, Julien me propose d’aller marcher au bord de l’Erdre.
— Camille… Je t’aime. Mais je sens que tu t’éloignes. Ce mariage… c’est censé nous rapprocher, pas nous détruire.
Je fonds en larmes.
— J’ai peur que si on fait un mariage simple, tu regrettes toute ta vie…
Il prend ma main.
— Ce que je regretterais, c’est de te perdre pour une histoire d’argent.
On décide alors de tout revoir : on garde la mairie, un petit repas avec nos proches dans le jardin de mes parents. Pas de château, pas de traiteur hors de prix. Ma mère pleure de soulagement quand je lui annonce la nouvelle.
Le jour du mariage arrive enfin. Il pleut des cordes mais tout le monde rit sous les parapluies colorés. Mon père me serre fort dans ses bras avant d’entrer à la mairie.
— Je suis désolé ma chérie…
Je lui souris à travers mes larmes.
— Ce n’est pas grave papa. Aujourd’hui, je comprends ce qui compte vraiment.
À la fin de la journée, alors que Julien et moi dansons sous les guirlandes lumineuses accrochées aux arbres du jardin familial, je me demande :
Est-ce qu’on doit vraiment tout sacrifier pour un rêve ? Ou est-ce qu’on apprend à aimer ce qu’on a déjà ? Qu’en pensez-vous ?