Ma belle-mère voulait refaire sa vie, mais je l’ai remise à sa place : le coup de fil qui a tout changé

— Tu ne vas quand même pas sortir habillée comme ça, Maman ?

Je me suis retournée, la main sur la poignée de la porte. Ma fille Élodie me fixait avec ce mélange d’inquiétude et d’agacement que je connaissais si bien. J’ai souri, un peu gênée. À cinquante ans, on n’a plus l’habitude qu’on nous fasse des remarques sur notre jupe ou notre rouge à lèvres. Mais ce soir-là, j’avais rendez-vous avec Jean-Luc, un homme rencontré au marché de la place de la République. Il m’avait invitée à dîner. J’avais hésité, puis accepté. Après tout, la vie ne s’arrête pas à cinquante ans.

— Tu sais bien que je ne rentre pas tard, ai-je murmuré.

Élodie a soupiré. Depuis la naissance de sa fille, elle vivait chez moi avec son mari Thomas et leur petite Lucie. Notre deux-pièces commençait à devenir étroit, mais nous avions trouvé un équilibre fragile : je gardais Lucie pendant qu’Élodie travaillait à la mairie, je faisais les courses, le ménage… et eux payaient le loyer. J’étais devenue la nounou, la cuisinière et la confidente. Mais ce soir-là, j’avais envie d’être juste une femme.

Quand je suis rentrée à minuit passé, Thomas était assis dans le salon, les bras croisés.

— Sylvie, faut qu’on parle.

Il n’a même pas attendu que j’enlève mon manteau.

— Tu te rends compte que tu nous mets dans une situation impossible ? On compte sur toi pour garder Lucie ! Si tu commences à sortir tous les soirs…

J’ai senti la colère monter. Depuis quand devais-je demander la permission pour vivre ?

— Je ne suis pas votre domestique ! ai-je répliqué. J’ai aussi le droit d’avoir une vie.

Thomas a haussé le ton :

— Mais tu te rends compte de ce que tu fais à ta fille ? Elle a besoin de toi !

Élodie est arrivée en courant, réveillée par les cris. Elle m’a regardée avec des yeux pleins de larmes.

— Maman… s’il te plaît…

J’ai compris que ce n’était pas seulement Thomas qui avait peur de perdre son confort. Élodie aussi avait peur de me voir partir, de me voir aimer quelqu’un d’autre qu’elle et sa fille.

Le lendemain matin, alors que je préparais le café, j’ai entendu Thomas au téléphone dans la chambre.

— Oui, bonjour Jean-Luc ? Ici Thomas, le gendre de Sylvie… Je voulais vous dire que votre relation avec elle n’est pas possible. Elle a des responsabilités ici. Elle n’a pas le temps pour des histoires d’amour à son âge…

J’ai cru que mon cœur allait exploser. Comment osait-il ?

Quand il est sorti de la chambre, je l’attendais dans le couloir.

— Tu n’as pas le droit de décider pour moi ! ai-je crié. Tu n’es pas mon fils !

Il a baissé les yeux.

— On a besoin de toi…

J’ai claqué la porte et je suis sortie marcher dans la rue. J’avais envie de hurler. Depuis quand une femme de cinquante ans devait-elle renoncer à ses rêves pour servir les autres ?

Les jours suivants ont été tendus. Élodie ne me parlait plus que pour me demander si j’avais fait les courses ou préparé le repas de Lucie. Thomas m’évitait. Jean-Luc ne répondait plus à mes messages.

Un soir, alors que je rangeais les jouets de Lucie, Élodie est venue s’asseoir à côté de moi.

— Maman… Je suis désolée pour Thomas. Il a eu tort d’appeler Jean-Luc. Mais… j’ai peur que tu partes. J’ai peur d’être seule avec tout ça…

Ses larmes ont coulé sur ses joues. Je l’ai prise dans mes bras.

— Tu n’es pas seule. Mais tu dois apprendre à vivre sans moi tout le temps. J’ai aussi besoin d’exister.

Elle a hoché la tête.

Le lendemain matin, j’ai fait mes valises. J’ai trouvé un petit studio dans le 14e arrondissement grâce à une amie d’enfance. J’ai laissé un mot sur la table :

« Je vous aime, mais il est temps pour moi de vivre ma vie. »

Les premiers jours ont été difficiles. J’avais l’impression d’avoir trahi ma fille et abandonné ma petite-fille. Mais peu à peu, j’ai retrouvé le goût des choses simples : lire un livre sans être interrompue, marcher au parc Montsouris, prendre un café en terrasse… Et puis Jean-Luc m’a rappelée.

— Sylvie… Je comprends ta situation. Mais j’aimerais te revoir.

Nous nous sommes retrouvés au marché où tout avait commencé. Il m’a pris la main.

— Tu es belle quand tu souris.

J’ai ri comme une adolescente.

Aujourd’hui, Élodie m’appelle souvent pour me demander conseil ou juste pour parler. Thomas s’est excusé. Ils ont embauché une nounou pour Lucie. Notre relation est différente, mais plus saine.

Parfois, je me demande : pourquoi tant de femmes acceptent-elles de s’effacer pour leur famille ? À cinquante ans, n’a-t-on pas encore le droit d’aimer et d’être aimée ? Et vous, qu’en pensez-vous ?