L’éloignement de mon mari : la tension entre lui et notre fils
« Jérémie, tu ne vas pas encore partir ce soir, n’est-ce pas ? » Ma voix tremblait légèrement alors que je me tenais dans l’encadrement de la porte, observant mon mari enfiler son manteau. Il se retourna lentement, évitant mon regard. « Je dois travailler tard, Chloé. Tu sais comment c’est en ce moment. » Sa voix était distante, presque mécanique.
Je soupirai, sentant une boule se former dans ma gorge. Ce n’était pas la première fois qu’il utilisait cette excuse. Depuis quelques mois, Jérémie semblait s’éloigner de nous, comme une ombre qui s’efface lentement au coucher du soleil. Mais ce qui me préoccupait le plus, c’était son comportement envers notre fils, Mathieu.
Mathieu avait six ans, un petit garçon plein de vie et d’énergie. Il adorait son père, mais récemment, il avait commencé à poser des questions qui me brisaient le cœur. « Maman, pourquoi papa ne joue-t-il plus avec moi ? Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? »
Comment expliquer à un enfant que son père était là physiquement mais absent émotionnellement ? Je me sentais impuissante face à cette situation qui me dépassait. Chaque soir, je me retrouvais seule à coucher Mathieu, à lui lire ses histoires préférées en espérant que demain serait différent.
Un soir, alors que je rangeais la chambre de Mathieu, je tombai sur un dessin qu’il avait fait à l’école. Il avait dessiné notre famille : lui-même, moi et Jérémie. Mais ce qui m’interpella fut la distance entre lui et son père sur le papier. Un espace vide les séparait, comme un fossé infranchissable.
Je savais que je devais parler à Jérémie. Cette situation ne pouvait plus durer. Le lendemain matin, alors qu’il se préparait pour le travail, je pris une profonde inspiration et lui dis : « Jérémie, il faut qu’on parle. »
Il s’arrêta net et me regarda enfin dans les yeux. « À propos de quoi ? » demanda-t-il d’un ton las.
« De Mathieu… et de nous. Je ne sais pas ce qui se passe avec toi, mais tu t’éloignes de nous deux. Mathieu ressent ton absence et ça le blesse. »
Jérémie baissa les yeux, visiblement mal à l’aise. « Je… je suis désolé, Chloé. Je ne sais pas ce qui m’arrive. Le travail est stressant et… »
« Et quoi ? » l’interrompis-je. « Le travail a toujours été stressant, mais tu n’as jamais laissé cela affecter ta relation avec Mathieu avant. »
Il resta silencieux un moment avant de murmurer : « Je crois que je suis perdu. »
Ces mots résonnèrent en moi comme une cloche d’alarme. Comment avais-je pu ne pas voir sa détresse ? Peut-être étions-nous tous les deux perdus dans nos propres vies sans nous en rendre compte.
Ce soir-là, après avoir couché Mathieu, je rejoignis Jérémie dans le salon. Nous restâmes assis en silence pendant un moment avant qu’il ne prenne la parole.
« Chloé, je pense que j’ai besoin d’aide », avoua-t-il enfin.
Je pris sa main dans la mienne, sentant une vague d’émotion m’envahir. « Nous allons traverser cela ensemble », lui assurai-je.
Les semaines suivantes furent difficiles mais nécessaires. Jérémie commença à voir un thérapeute pour comprendre les raisons de son éloignement. Nous avons également commencé une thérapie de couple pour reconstruire notre communication et notre connexion.
Petit à petit, Jérémie fit des efforts pour se rapprocher de Mathieu. Il commença à passer plus de temps avec lui, à jouer au parc ou à l’aider avec ses devoirs. Mathieu était ravi de retrouver son père et leur relation s’améliora lentement mais sûrement.
Un soir, alors que nous étions tous les trois assis autour de la table pour le dîner, Mathieu leva les yeux vers son père et dit : « Papa, je suis content que tu sois là avec nous. »
Jérémie sourit et répondit : « Moi aussi, mon grand. »
Ce fut un moment simple mais rempli d’espoir pour notre famille.
En réfléchissant à tout cela, je me demande souvent : comment avons-nous pu laisser les choses aller si loin ? L’amour est-il vraiment suffisant pour surmonter toutes les épreuves ? Peut-être que l’amour doit être accompagné d’efforts constants et d’une communication ouverte pour vraiment prospérer.