« J’ai songé à divorcer de Paul après sa trahison : mais mes parents m’en ont empêchée »

« Tu ne vas pas vraiment faire ça, Camille ? Tu ne vas pas détruire ta famille pour une erreur… » La voix de ma mère résonne encore dans ma tête, tranchante, presque suppliante. Je suis debout dans la cuisine de mon appartement à Lyon, les mains tremblantes autour d’une tasse de thé froid. Paul est dans la chambre d’amis depuis trois jours. Trois jours depuis que j’ai trouvé ces messages sur son téléphone, trois jours depuis que tout s’est effondré.

Je n’ai rien vu venir. Paul et moi, on s’est rencontrés à la fac de droit à Lyon. J’avais dix-huit ans, timide, sérieuse, persuadée que les histoires d’amour n’étaient pas pour moi. Mais Paul… Paul avait ce sourire, cette assurance tranquille qui faisait tourner toutes les têtes. Il m’a remarquée, moi, la fille discrète du fond de l’amphi. On a commencé à se voir, à réviser ensemble, à rire. Il m’a fait sentir unique. On s’est mariés à vingt-cinq ans, entourés de nos familles et amis dans le petit village de mes parents en Ardèche.

Les premières années étaient belles. On a acheté un appartement, on a eu deux enfants, Léa et Arthur. Je croyais à notre bonheur simple : les vacances chez mes beaux-parents en Bretagne, les dimanches au parc de la Tête d’Or, les anniversaires où Paul chantait trop fort. Mais il y a six mois, j’ai commencé à sentir qu’il s’éloignait. Il rentrait tard du travail, parlait peu. Je me suis dit qu’il était fatigué, que c’était la routine.

Jusqu’à ce samedi matin où j’ai voulu lui envoyer une photo des enfants sur son téléphone. L’écran s’est allumé sur une conversation WhatsApp avec « Sophie B. ». Des cœurs, des mots doux, des rendez-vous secrets. Mon cœur s’est arrêté. J’ai confronté Paul. Il a nié d’abord, puis il a pleuré. « C’était rien… Je me sentais seul… Je t’aime toi… »

J’ai quitté la pièce en claquant la porte. J’ai appelé ma meilleure amie, Élodie. Elle m’a dit de ne pas prendre de décision à chaud. Mais moi, je savais déjà : je voulais partir. Je voulais me sauver.

C’est là que mes parents sont arrivés. Ils ont pris le train dès qu’ils ont su. Ma mère a pleuré en me serrant dans ses bras : « Tu ne peux pas faire ça aux enfants… Pense à Léa et Arthur… Et puis tu sais comment ça se passe ici, une femme seule… Les gens parlent… » Mon père a gardé le silence pendant des heures avant de lâcher : « On ne divorce pas pour une erreur. Tu dois pardonner. C’est ça le mariage. »

J’ai hurlé intérieurement. Pourquoi était-ce à moi de porter le poids de sa trahison ? Pourquoi devais-je penser à l’image de la famille avant mon propre bonheur ? Mais leurs mots tournaient en boucle dans ma tête. Les souvenirs de mon enfance dans leur maison en pierre, les repas du dimanche où tout le monde faisait semblant d’être heureux même quand ça n’allait pas…

Paul a supplié. Il a promis d’arrêter, d’aller voir un psy, de reconstruire notre couple. Il a écrit une lettre à mes parents pour leur dire qu’il regrettait tout. Ma mère l’a pris dans ses bras comme si c’était son propre fils.

Les semaines ont passé. J’ai essayé d’oublier Sophie B., mais chaque fois que Paul me touchait, j’avais envie de fuir. J’ai repris le travail plus tôt que prévu après mon congé parental, juste pour respirer loin de la maison. Au bureau, personne ne savait rien. Je souriais comme si tout allait bien.

Un soir, Léa m’a demandé pourquoi papa dormait dans le salon. J’ai menti : « Il est malade, ma chérie. » J’ai eu honte de mentir à ma fille.

Un dimanche soir, alors que mes parents étaient encore là pour « nous soutenir », j’ai explosé.
— Vous croyez vraiment que c’est ça être heureux ? Faire semblant toute sa vie ?
Ma mère a baissé les yeux.
— On ne fait pas semblant… On protège ce qu’on a construit.
— Mais à quel prix ?
Paul m’a regardée avec des yeux rouges.
— Je t’en supplie Camille… Je t’aime…

J’ai pleuré toute la nuit. J’ai pensé à partir avec les enfants chez Élodie à Paris. Mais je n’ai pas eu le courage. La peur du regard des autres, la peur d’être seule…

Aujourd’hui encore, je ne sais pas si j’ai fait le bon choix en restant. Parfois je me dis que j’aurais dû partir malgré tout. Parfois je me dis que mes parents avaient raison : on ne détruit pas une famille pour une erreur.

Mais au fond de moi, une petite voix me murmure chaque jour : « Et toi Camille, quand est-ce que tu penseras enfin à toi ? Est-ce qu’on peut vraiment être heureuse en vivant pour les autres ? »