Après cinquante ans, mon mari partait de plus en plus en déplacement : La vérité que j’ai découverte par hasard a bouleversé ma vie
« Tu sais, Françoise, je dois partir à Lyon demain matin. Un client important, je ne peux pas refuser. »
Encore une fois. Toujours la même excuse, le même baiser rapide sur le front, la valise déjà prête dans l’entrée. Je restais là, figée, la main sur la tasse de thé, à regarder la porte se refermer sur Laurent. Le silence retombait aussitôt, lourd, pesant, presque hostile. Au début, cette tranquillité me plaisait. Après cinquante ans, on commence à apprécier le calme, à savourer les moments pour soi. Mais peu à peu, ce calme est devenu un vide. Un gouffre.
Les déplacements de Laurent se faisaient plus fréquents. D’abord une fois par mois, puis toutes les deux semaines, puis presque chaque semaine. « C’est la crise, Françoise, il faut se battre pour garder les clients », répétait-il. Je hochais la tête, j’essayais de comprendre. Mais au fond de moi, une petite voix murmurait que quelque chose clochait.
Un soir de décembre, alors que la pluie battait contre les vitres et que je tentais de me distraire devant un vieux film, mon téléphone a vibré. Un message de ma sœur, Hélène :
— Tu sais que j’ai croisé Laurent ce matin à la gare ? Il n’était pas seul…
Mon cœur s’est arrêté. Je me suis relue plusieurs fois. Pas seul ? J’ai répondu, la gorge serrée :
— Avec qui ?
— Une femme. Brune, élégante. Ils riaient ensemble.
J’ai senti la colère monter, mais aussi une peur sourde. Et si tout ce que je redoutais depuis des mois était vrai ?
Le lendemain matin, j’ai fouillé dans ses affaires. Je n’en suis pas fière, mais j’avais besoin de savoir. Dans la poche intérieure de sa veste, j’ai trouvé un ticket de cinéma pour deux personnes à Lyon, daté du week-end dernier. Il m’avait dit qu’il travaillait tout le samedi.
Quand il est rentré ce soir-là, je l’attendais dans le salon. Il a posé sa valise et m’a souri comme si de rien n’était.
— Tu as passé une bonne journée ?
Je n’ai pas répondu tout de suite. J’ai sorti le ticket de cinéma et l’ai posé sur la table.
— C’était qui avec toi à Lyon ?
Son visage s’est figé. Un silence glacial s’est installé entre nous.
— Françoise… Ce n’est pas ce que tu crois…
— Alors explique-moi ! Parce que moi, je ne comprends plus rien ! Tu pars tout le temps, tu me laisses seule ici… Et maintenant ça ?
Il a baissé les yeux. J’ai vu ses mains trembler.
— Elle s’appelle Camille. On travaille ensemble depuis deux ans… Au début c’était juste professionnel… Mais…
Je n’ai pas voulu entendre la suite. J’ai quitté la pièce en claquant la porte derrière moi. Dans la chambre, je me suis effondrée sur le lit vide. Les larmes coulaient sans bruit sur mes joues. J’avais mal partout : au cœur, à l’âme, à ma dignité.
Les jours suivants ont été un supplice. Laurent tentait de me parler, d’expliquer, mais je ne voulais rien entendre. J’ai appelé Hélène tous les soirs pour pleurer dans son oreille. Elle m’écoutait sans juger :
— Tu n’es pas seule, Françoise. On va traverser ça ensemble.
Mais je me sentais terriblement seule. Les enfants étaient grands, partis vivre leur vie à Paris et à Bordeaux. Je n’osais pas leur parler de tout ça. Je ne voulais pas qu’ils voient leur père autrement.
Un soir, alors que je rangeais la vaisselle machinalement, Laurent est venu s’asseoir à côté de moi.
— Je suis désolé, Françoise. Je ne voulais pas te faire souffrir… Je me suis perdu ces derniers temps. Le travail… la peur de vieillir… Camille m’a écouté quand j’avais l’impression d’être invisible ici…
Ses mots m’ont frappée comme une gifle. Invisible ? Moi aussi je me sentais invisible depuis des années ! Depuis que les enfants étaient partis, depuis que nos soirées se résumaient à regarder la télévision sans se parler vraiment.
— Et moi alors ? Tu crois que c’est facile d’être seule ici pendant que tu pars « travailler » ? Tu crois que je ne me pose pas de questions sur ma vie ?
Il a pris ma main dans la sienne.
— Je ne veux pas te perdre.
J’ai retiré ma main doucement.
— Peut-être qu’on s’est déjà perdus tous les deux…
Les semaines ont passé. Nous avons essayé d’en parler calmement, d’aller voir un conseiller conjugal. Mais quelque chose s’était brisé entre nous. La confiance surtout.
Un dimanche matin, alors que je marchais seule dans le parc près de chez nous à Nantes, j’ai croisé une vieille amie d’enfance, Mireille.
— Tu as l’air fatiguée, Françoise…
Je lui ai tout raconté. Elle m’a serrée dans ses bras et m’a dit :
— Tu as encore toute ta vie devant toi. Cinquante ans ce n’est pas la fin du monde ! Peut-être que c’est le moment de penser un peu à toi ? De voyager ? De reprendre la peinture comme avant ?
Ses mots ont résonné en moi toute la journée. Et si c’était vrai ? Si cette trahison était aussi une chance de me retrouver ?
Aujourd’hui, Laurent et moi vivons toujours sous le même toit mais chacun dans son espace. Nous sommes devenus des colocataires silencieux d’une vie qui n’a plus rien à voir avec celle d’avant.
Parfois je me demande : est-ce qu’on peut vraiment pardonner l’infidélité ? Ou est-ce qu’on doit apprendre à se pardonner à soi-même d’avoir cru trop longtemps au bonheur parfait ? Qu’en pensez-vous ?