L’invité indésirable à la table du dîner

Je me tenais devant la porte de l’appartement de mon frère Thomas, hésitant un instant avant de frapper. Le bruit des rires et des conversations animées filtrait à travers la porte, et je me demandais si j’avais vraiment envie de participer à ce dîner familial. Mais je savais que Thomas comptait sur moi pour être là, alors j’ai pris une grande inspiration et j’ai frappé.

La porte s’est ouverte presque immédiatement, révélant le visage souriant de Thomas. « Ah, Claire ! Tu es enfin là ! » s’exclama-t-il en m’attirant dans une étreinte chaleureuse. Je me suis forcée à sourire en retour, essayant de chasser l’appréhension qui pesait sur moi.

En entrant dans le salon, j’ai remarqué un homme assis à la table du dîner. Il était d’une cinquantaine d’années, avec des cheveux poivre et sel et une expression joviale. « Claire, je te présente Jean-Luc, un ami de longue date, » dit Thomas en désignant l’homme.

Jean-Luc se leva pour me saluer, mais je ne pus m’empêcher de remarquer qu’il ne s’était pas lavé les mains après avoir manipulé les amuse-gueules sur la table. Je sentis une vague de dégoût monter en moi, mais je me contentai de hocher la tête poliment.

Le dîner commença dans une ambiance plutôt détendue. Ma belle-sœur, Sophie, avait préparé un repas somptueux, et les conversations allaient bon train. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de jeter des coups d’œil furtifs à Jean-Luc, qui continuait à se servir sans aucune considération pour l’hygiène.

« Alors Claire, » dit-il soudainement en se tournant vers moi avec un sourire qui me parut forcé, « Thomas m’a dit que tu travaillais dans le marketing. Ça doit être passionnant ! »

Je hochai la tête, essayant de cacher mon malaise. « Oui, c’est un domaine très dynamique, » répondis-je prudemment.

Mais Jean-Luc ne semblait pas intéressé par ma réponse. Il continua à parler de lui-même, racontant des anecdotes interminables sur ses voyages et ses affaires. Je pouvais sentir la tension monter en moi alors que je l’écoutais à peine.

Soudain, il posa sa main sur mon bras, interrompant son récit pour me fixer dans les yeux. « Tu sais, Claire, » dit-il d’une voix plus basse, « je pense que tu devrais vraiment envisager de travailler avec moi. J’ai des contacts qui pourraient t’ouvrir des portes incroyables. »

Je retirai doucement mon bras, mal à l’aise face à son insistance. « Merci pour l’offre, » dis-je avec un sourire crispé, « mais je suis très satisfaite de mon travail actuel. »

Thomas intervint alors pour changer de sujet, sentant probablement la tension dans l’air. Mais Jean-Luc ne se laissa pas décourager si facilement. Tout au long du repas, il continua à monopoliser la conversation, ignorant les tentatives des autres pour participer.

À un moment donné, Sophie se leva pour aller chercher le dessert. Je profitai de l’occasion pour me lever également et l’aider dans la cuisine.

« Je suis désolée pour Jean-Luc, » murmura Sophie en sortant le gâteau du réfrigérateur. « Thomas ne savait pas qu’il serait aussi… envahissant. »

Je secouai la tête avec un sourire fatigué. « Ce n’est pas ta faute, » répondis-je doucement. « Mais c’est vrai qu’il est difficile à ignorer. »

De retour à table, je fis de mon mieux pour ignorer Jean-Luc et profiter du dessert. Mais il semblait déterminé à attirer mon attention.

« Claire, » dit-il soudainement en posant sa fourchette avec fracas, « je pense vraiment que tu devrais reconsidérer ma proposition. Tu es trop talentueuse pour rester coincée dans un emploi médiocre. »

Cette fois-ci, je ne pus retenir ma colère. « Jean-Luc, » dis-je d’une voix ferme, « je vous remercie pour votre intérêt, mais je suis heureuse là où je suis. Je n’ai pas besoin de vos contacts pour réussir. »

Un silence pesant s’installa autour de la table. Thomas me regarda avec surprise tandis que Sophie semblait soulagée que quelqu’un ait enfin mis Jean-Luc à sa place.

Jean-Luc se renfrogna mais ne dit plus rien pendant le reste du repas. Quand il fut enfin temps de partir, je me levai avec soulagement.

« Merci pour le dîner, » dis-je à Sophie en l’embrassant sur la joue.

Thomas m’accompagna jusqu’à la porte, l’air embarrassé. « Je suis désolé pour ce qui s’est passé, » murmura-t-il.

Je secouai la tête avec un sourire rassurant. « Ce n’est pas grave, » répondis-je doucement. « Mais peut-être que la prochaine fois, nous devrions nous en tenir à la famille. »

En rentrant chez moi ce soir-là, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir à ce qui s’était passé. Pourquoi certaines personnes pensent-elles qu’elles ont le droit d’imposer leur volonté aux autres ? Est-ce que nous devons toujours nous battre pour notre espace personnel et notre respect ? »