Je te choisirai toujours – histoire d’amour, de trahison et de pardon dans une famille française

« Tu me regardes encore comme si j’étais une étrangère, Antoine ? » Ma voix tremblait dans la cuisine silencieuse, brisée par le tic-tac insistant de l’horloge. Il ne leva même pas les yeux de son téléphone. Je sentais le froid s’insinuer entre nous, plus glacial que le mistral qui soufflait dehors sur notre petite maison d’Aix-en-Provence.

Je m’appelle Camille. J’ai trente-quatre ans et, il y a sept ans, j’ai épousé Antoine, mon amour de jeunesse. Nos familles étaient voisines, nos mères cousines, et tout le village avait assisté à notre mariage sous les platanes. Je croyais que rien ne pourrait jamais nous séparer. Mais la vie, elle, n’a jamais promis d’être juste.

Tout a commencé après deux ans de mariage. Les repas de famille chez mes parents devenaient des épreuves : « Alors, Camille, toujours pas de bébé ? » demandait ma mère, en jetant un regard appuyé à mon ventre plat. Antoine souriait poliment, mais je voyais bien qu’il souffrait aussi. Nous avions tout essayé : les rendez-vous à l’hôpital Sainte-Marguerite, les traitements hormonaux, les prières silencieuses dans la petite chapelle du village. Rien. Chaque mois, c’était une nouvelle déception, un nouveau silence entre nous.

Un soir d’automne, alors que je rentrais plus tôt du travail, j’ai trouvé Antoine sur la terrasse avec Élise, ma meilleure amie depuis le lycée. Ils riaient, trop proches à mon goût. J’ai voulu croire que ce n’était rien. Mais quelques semaines plus tard, j’ai découvert des messages sur son téléphone : « Tu me manques déjà », « J’ai hâte de te revoir ». Mon cœur s’est brisé en mille morceaux.

La confrontation fut brutale. « Comment as-tu pu ? Avec Élise ? » ai-je crié, les larmes coulant sur mes joues. Antoine s’est défendu : « Je me sentais seul… Tu étais obsédée par ce bébé… J’avais besoin d’exister pour quelqu’un ! »

Je suis partie chez mes parents cette nuit-là. Ma mère m’a accueillie sans un mot, mais je voyais dans ses yeux la honte et la colère. Mon père, lui, n’a rien dit non plus ; il a simplement posé une main lourde sur mon épaule. Le lendemain matin, j’ai croisé Élise au marché. Elle a baissé les yeux, incapable de soutenir mon regard.

Les semaines suivantes ont été un enfer. Les rumeurs se sont répandues dans le village comme une traînée de poudre : « Tu sais ce qu’Antoine a fait ? » « Pauvre Camille… » Je me suis enfermée chez moi, refusant de voir quiconque. Même ma sœur Claire n’osait plus m’appeler.

Mais la vie continue, même quand on croit qu’elle s’arrête. Un matin, alors que je regardais le soleil se lever sur les collines, j’ai compris que je ne pouvais pas rester prisonnière de cette douleur. J’ai accepté un poste à Marseille, loin du village et des souvenirs. Là-bas, j’ai rencontré des femmes qui avaient vécu pire que moi : divorce, maladie, perte d’un enfant. Leur force m’a inspirée.

Un an plus tard, Antoine est venu me retrouver à Marseille. Il avait maigri, ses yeux étaient cernés. « Camille… Je suis désolé. Je t’aime encore. J’ai tout gâché… »

Je l’ai écouté sans parler. Il a pleuré devant moi comme un enfant. « Je ne veux pas te perdre », a-t-il murmuré.

J’aurais pu le repousser définitivement. Mais quelque chose en moi refusait de céder à la haine. Peut-on vraiment effacer des années d’amour pour une seule trahison ?

Nous avons décidé d’essayer à nouveau. La confiance était fragile comme du verre soufflé ; chaque mot pouvait la briser. Nous sommes allés voir un conseiller conjugal à Marseille. Les séances étaient douloureuses : il fallait tout dire, tout entendre.

Peu à peu, j’ai compris que je n’étais pas la seule à souffrir. Antoine portait aussi sa part de solitude et de regrets. Nous avons réappris à nous parler sans nous blesser.

Un soir d’été, alors que nous dînions sur le Vieux-Port, Antoine a pris ma main : « Camille… Même si nous n’avons jamais d’enfant, je veux vieillir avec toi. »

J’ai pleuré pour la première fois depuis des mois – des larmes de soulagement et d’espoir.

Aujourd’hui, trois ans ont passé depuis la trahison. Nous n’avons toujours pas d’enfant, mais notre couple est plus fort qu’avant. Ma mère a fini par accepter notre choix ; elle ne pose plus de questions sur les enfants. Élise a quitté le village – je ne lui ai jamais reparlé.

Parfois je me demande : ai-je eu raison de pardonner ? Peut-on vraiment recommencer à zéro après une telle blessure ? Ou bien le pardon est-il simplement une autre forme d’amour ?

Et vous… auriez-vous eu la force de pardonner ?