Quand mon frère a révélé son vrai visage pour l’anniversaire de maman
« Tu veux vraiment qu’on mette autant d’argent dans un frigo ? » La voix de Paul résonne encore dans ma tête, sèche, presque moqueuse. Nous sommes assis dans la cuisine de maman, le vieux réfrigérateur ronronnant péniblement derrière nous, témoin silencieux de notre dispute. J’ai les mains moites, le cœur qui bat trop vite. C’est le genre de moment où tout bascule, où les masques tombent.
J’avais imaginé autre chose pour les 60 ans de maman. Une surprise, un geste qui lui montrerait combien on l’aime, combien elle compte pour nous. Depuis des années, elle se débrouille seule dans cette petite maison de Tours, toujours à penser aux autres avant elle-même. Le frigo, c’était une évidence : il tombe en panne tous les deux mois, elle s’en plaint à demi-mot mais n’ose jamais rien demander. Alors j’ai proposé à Paul qu’on s’y mette à deux.
« Tu sais très bien que je ne roule pas sur l’or », il a ajouté en haussant les épaules, sans même me regarder. Pourtant, il vient de changer de voiture et partira au ski avec ses amis dans deux semaines. Je sens la colère monter, mais je ravale mes mots. Ce n’est pas la première fois qu’il se défile.
Maman entre à ce moment-là, un sourire fatigué sur le visage. « Vous parlez de quoi, mes chéris ? » Je me force à sourire aussi. « Rien d’important, maman. » Paul détourne les yeux vers son téléphone. Je me demande comment on en est arrivés là.
Le soir même, je rentre chez moi, le cœur lourd. J’appelle mon amie Claire :
— Tu sais, j’ai l’impression que Paul ne veut jamais rien faire pour maman.
— Il a toujours été comme ça, non ?
— Oui… mais là, c’est trop. J’ai l’impression d’être seule à porter la famille.
Les jours passent. J’essaie de convaincre Paul par messages, par appels. Il répond à peine ou esquive : « On verra », « Je te redis ». Finalement, il m’envoie un virement de cinquante euros avec un message sec : « C’est tout ce que je peux faire. » Le frigo coûte huit cents euros.
Je me retrouve devant Darty un samedi matin, seule, à signer le bon de commande. Le vendeur me regarde avec compassion quand je lui explique que c’est pour ma mère et que mon frère ne veut pas participer. « Les familles… » souffle-t-il en haussant les épaules.
Le jour de l’anniversaire arrive. J’ai organisé un petit repas chez maman. Paul arrive en retard, les bras chargés d’un bouquet acheté à la va-vite chez le fleuriste du coin. Maman est rayonnante devant son nouveau frigo : « Oh mais c’est trop ! Vous êtes fous ! » Elle nous serre tous les deux dans ses bras.
Paul me lance un regard furtif, presque coupable. Mais il ne dit rien. Toute la soirée, il parle de ses projets de vacances et de sa nouvelle voiture. Maman ne voit rien ou fait semblant.
Après le dessert, je sors sur le balcon pour prendre l’air. Paul me rejoint.
— Tu m’en veux ?
Je le regarde longtemps avant de répondre :
— Je t’en veux surtout de ne jamais être là quand il faut.
Il soupire, hausse les épaules :
— Chacun sa vie, non ?
Je rentre chez moi tard dans la nuit, épuisée. Je repense à notre enfance, aux Noëls passés ensemble, aux disputes et aux rires. Quand est-ce qu’on s’est perdus ? Est-ce que c’est moi qui en demande trop ? Ou est-ce lui qui ne donne plus rien ?
Depuis ce jour-là, quelque chose s’est brisé entre nous. Je continue d’aller voir maman chaque semaine ; Paul passe quand il y pense. Parfois, je me dis que la famille n’est qu’une illusion qu’on entretient pour ne pas se sentir seuls.
Est-ce que l’amour familial peut survivre à l’égoïsme ? Ou bien faut-il accepter que certains liens ne tiennent qu’à un fil ? Qu’en pensez-vous ?