Mon voisin m’offre des fleurs et du chocolat : mon mari explose de jalousie – Suis-je coupable d’accepter un geste innocent ?
« Tu vas encore me dire que c’est innocent, Claire ? » La voix de François résonne dans la cuisine, tranchante comme un couteau. Je serre la boîte de chocolats contre moi, le papier doré froissé sous mes doigts tremblants. Il est 19h, la lumière du soir s’étire sur les murs de notre appartement à Lyon, mais l’atmosphère est glaciale.
Je n’ai pas le temps de répondre que François s’approche, son regard planté dans le mien. « Tu trouves ça normal, toi ? Que ton voisin t’offre des fleurs toutes les semaines ? Et maintenant, les chocolats ? »
Je baisse les yeux. Je voudrais lui expliquer, lui dire que Luc est simplement gentil, qu’il ne cherche rien d’autre qu’à se faire apprécier dans l’immeuble. Mais je sens déjà la colère monter en moi aussi. Pourquoi dois-je me justifier pour un geste qui me fait simplement sourire ?
Tout a commencé il y a deux mois. Luc a emménagé au troisième étage, juste en face de chez nous. Un homme d’une cinquantaine d’années, divorcé, un sourire timide et des mains abîmées par le travail. Le premier jour, il m’a aidée à porter mes courses. Le lendemain, il m’a offert un bouquet de pivoines pour me remercier d’un café partagé dans l’entrée.
Au début, François riait de ces attentions. « Il essaie de se faire bien voir », disait-il en haussant les épaules. Mais très vite, son humour s’est mué en sarcasme. Les bouquets se sont multipliés – pivoines, roses, tulipes – et les chocolats ont suivi. À chaque fois, Luc déposait un petit mot : « Pour égayer votre journée », « Merci pour votre gentillesse ».
Je n’ai jamais rien caché à François. Je posais les fleurs sur la table du salon, j’ouvrais les chocolats devant lui. Mais il s’est mis à surveiller mes allées et venues, à vérifier mon téléphone quand il croyait que je ne le voyais pas.
Un soir, alors que je rentrais du travail, j’ai trouvé Luc devant ma porte avec une boîte de macarons. Il m’a souri : « J’ai pensé que ça vous ferait plaisir. » J’ai accepté en le remerciant chaleureusement. Mais François est sorti brusquement de l’appartement : « Ça suffit maintenant ! Vous croyez que je ne vois pas votre petit manège ? »
Luc a rougi, bafouillé une excuse et s’est éclipsé. J’ai refermé la porte sur un silence pesant.
Depuis ce jour-là, tout a changé entre François et moi. Les repas se font en silence ou ponctués de reproches à peine voilés. Il ne me touche plus, ne me regarde plus comme avant. Parfois, il quitte la maison sans prévenir et rentre tard, l’air fermé.
J’essaie de lui parler :
— François, tu sais bien que je n’ai rien fait de mal…
— Rien fait de mal ? Tu te rends compte de ce que tu acceptes ? Tu me manques de respect !
Je me sens piégée entre deux hommes : l’un qui m’étouffe par sa jalousie, l’autre qui m’étouffe par sa gentillesse insistante. Je commence à douter : ai-je été trop accueillante ? Aurais-je dû refuser ces cadeaux ?
Un dimanche matin, ma fille Camille débarque à l’improviste. Elle a 22 ans, elle vit à Grenoble mais sent que quelque chose ne va pas.
— Maman, tu as l’air fatiguée…
Je fonds en larmes dans ses bras.
— Papa ne me fait plus confiance… Tout ça à cause d’un voisin trop gentil.
Camille soupire :
— Tu sais maman, parfois les hommes ont besoin d’être rassurés… Mais tu n’as rien fait de mal.
Elle propose qu’on invite Luc à dîner pour clarifier la situation. J’hésite mais j’accepte.
Le soir venu, Luc arrive avec une tarte aux pommes faite maison. François est tendu comme un arc. Le repas est ponctué de silences gênants et de regards fuyants.
À la fin du dîner, Luc prend la parole :
— Je suis désolé si mes attentions ont créé des tensions entre vous… Je voulais simplement être un bon voisin. Je n’ai jamais eu l’intention d’aller plus loin.
François serre les poings sous la table.
— Peut-être que tu ne voulais rien… Mais tu as semé le doute dans mon couple.
Luc baisse la tête et s’excuse encore avant de partir précipitamment.
Après son départ, je regarde François dans les yeux :
— Tu ne me fais plus confiance ?
Il détourne le regard.
— J’ai peur de te perdre…
Je réalise alors que ce n’est pas Luc le problème. C’est tout ce qu’on n’a jamais osé se dire depuis des années : la routine qui s’installe, les gestes tendres qui disparaissent, la peur de vieillir ensemble sans plus se regarder vraiment.
Les jours passent. Luc ne donne plus signe de vie. François tente maladroitement de se rattraper : il m’invite au cinéma, m’offre un bouquet de fleurs – le premier depuis des années. Mais quelque chose s’est brisé en moi : la confiance mutuelle n’est plus là.
Un soir, alors que je range la boîte vide des chocolats de Luc, je me demande : pourquoi un simple geste peut-il faire éclater tout un couple ? Est-ce vraiment si grave d’accepter un peu de douceur quand on en manque tant chez soi ?
Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ? Est-ce moi qui ai franchi une limite… ou est-ce notre couple qui était déjà fissuré sans que je veuille le voir ?