Pourquoi ma fille refuse-t-elle mon bonheur à 57 ans ?

— Tu ne comprends donc pas, maman ? Il se sert de toi !

La voix de Camille résonne dans la cuisine, tranchante comme un couteau. Je serre la tasse de café entre mes mains tremblantes. Le soleil de mars filtre à travers les rideaux, mais la lumière ne réchauffe rien. J’ai 57 ans, et pour la première fois depuis la mort de mon mari il y a dix ans, je me sens vivante. Mais ma fille refuse de voir ce bonheur.

— Camille, tu exagères… Laurent n’est pas comme ça. Il m’aime, tu sais ?

Elle éclate de rire, un rire amer qui me blesse plus que je ne veux l’admettre. — Il t’aime ? Maman, il a vingt ans de moins que toi ! Il n’a pas de travail fixe, il débarque dans ta vie comme ça et soudain il veut t’épouser ? Tu ne trouves pas ça louche ?

Je détourne les yeux. Oui, j’ai douté. Oui, j’ai eu peur. Mais Laurent… Laurent me regarde comme personne ne m’a jamais regardée depuis si longtemps. Il m’écoute, il rit à mes blagues, il me prend la main dans la rue sans se soucier des regards. Est-ce si mal de vouloir croire encore à l’amour ?

Camille s’approche, pose sa main sur mon bras. — Maman… Je veux juste te protéger. Tu sais combien c’est facile de profiter des femmes seules…

Je retire doucement mon bras. — Je ne suis pas une idiote, Camille. J’ai élevé une fille toute seule, j’ai géré la maison, les factures, le deuil… Je sais reconnaître un manipulateur.

Mais au fond de moi, une voix chuchote : « Et si elle avait raison ? »

Le soir même, Laurent arrive avec un bouquet de tulipes jaunes. Il sent le tabac froid et le parfum bon marché. — Tu as l’air soucieuse, ma belle. Camille encore ?

Je hoche la tête. — Elle pense que tu n’es pas sincère.

Il soupire et s’assoit à côté de moi sur le canapé. — Je comprends qu’elle s’inquiète. Mais je t’aime, Françoise. Je veux qu’on construise quelque chose ensemble.

Je ferme les yeux. Sa voix est douce, rassurante. Mais pourquoi alors ce malaise qui ne me quitte plus ?

Les jours passent et les tensions s’accumulent. Camille refuse de venir dîner si Laurent est là. Mon petit-fils Paul, 12 ans, me demande : — Mamie, pourquoi maman elle pleure tout le temps ?

Je me sens coupable. Ai-je le droit d’être heureuse si cela fait souffrir ma fille ?

Un dimanche matin, Camille débarque sans prévenir. Elle tient une enveloppe dans la main.

— J’ai fait des recherches sur lui, maman.

Elle vide le contenu sur la table : des impressions d’articles en ligne, des copies d’avis de recherche d’emploi, même une photo de Laurent avec une autre femme.

— Il a déjà fait ça à une autre femme à Lyon ! Il lui a soutiré de l’argent puis il est parti du jour au lendemain !

Je sens le sol se dérober sous mes pieds.

— Ce n’est pas possible…

Camille s’effondre en larmes. — Maman, je t’en supplie… Ne fais pas cette erreur.

Je reste seule toute la nuit à regarder le plafond. Les souvenirs affluent : les rires avec Laurent, ses mots doux… mais aussi ses absences inexpliquées, ses demandes d’argent « pour finir le mois », ses promesses jamais tenues.

Le lendemain matin, je confronte Laurent.

— Dis-moi la vérité. Qui es-tu vraiment ?

Il baisse les yeux. — Je t’aime, Françoise… Mais j’ai eu des problèmes avant toi… J’ai fait des erreurs…

— Tu m’as menti !

Il tente de me prendre la main mais je recule.

— Sors de chez moi.

Il part sans un mot.

Je m’effondre sur le carrelage froid de la cuisine. Les larmes coulent sans bruit. Je me sens vieille, ridicule et terriblement seule.

Quelques jours plus tard, Camille revient avec Paul. Elle me serre fort dans ses bras.

— Je suis désolée d’avoir été dure… Mais je t’aime trop pour te voir souffrir encore.

Je réalise alors que l’amour ne se trouve pas toujours là où on l’attend. Parfois il est juste là, dans les bras d’une fille inquiète ou dans le sourire d’un petit-fils qui vous demande une crêpe au goûter.

Mais au fond de moi subsiste une question : ai-je eu tort d’y croire encore ? Est-ce qu’on a vraiment le droit d’espérer une seconde chance à mon âge ?

Et vous… jusqu’où iriez-vous pour croire encore en l’amour après 50 ans ?