La disparition de mon fils : Le jour où tout s’est effondré

— Il a disparu, Madame Dubois ! Il n’est plus là… Je… je ne sais plus quoi faire !

Sa voix tremblait, ses yeux étaient rouges, ses cheveux collés par la pluie. Je suis restée figée, incapable de comprendre ce que cette inconnue venait de m’annoncer. Mon fils, Antoine, disparu ? Deux semaines déjà ? Comment cela était-il possible ?

Je me souviens avoir refermé la porte derrière elle, comme si ce simple geste pouvait empêcher la réalité d’entrer. Elle s’est effondrée sur le canapé du salon, son manteau dégoulinant sur le parquet. Je n’arrivais pas à parler. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait exploser.

— Vous êtes qui ? ai-je réussi à murmurer.

— Je m’appelle Camille… Je suis sa fiancée. On devait annoncer nos fiançailles à votre famille ce week-end… Mais il n’est jamais rentré.

Fiancée ? Antoine ne m’avait jamais parlé d’elle. J’ai senti une colère sourde monter en moi, mêlée à une peur viscérale. Comment avais-je pu ignorer une chose pareille ?

Camille a sorti son téléphone et m’a montré des photos d’eux deux : Antoine souriant, Antoine amoureux, Antoine vivant une vie dont j’ignorais tout. J’ai eu l’impression d’être une étrangère dans la vie de mon propre fils.

— Il avait l’air… heureux, ai-je soufflé.

Elle a hoché la tête, les larmes coulant à nouveau sur ses joues.

— Mais il était aussi inquiet ces derniers temps. Il recevait des messages bizarres… Il ne voulait pas m’en parler.

J’ai senti un frisson glacé me parcourir l’échine. Antoine avait toujours été secret, mais jamais à ce point. J’ai repensé à nos dernières conversations : banales, superficielles. Avais-je raté quelque chose ?

Le lendemain, j’ai appelé la police. Ils m’ont écoutée d’une oreille distraite : « Un jeune homme majeur qui disparaît, ça arrive souvent, Madame Dubois. Peut-être qu’il avait besoin de prendre l’air… »

Non, ce n’était pas possible. Antoine n’aurait jamais fui sans me prévenir. Pas lui. Pas mon fils.

J’ai commencé à fouiller sa chambre. J’ai ouvert ses tiroirs, lu ses carnets, fouillé dans son ordinateur. Plus j’avançais, plus je découvrais un Antoine que je ne connaissais pas : des factures impayées, des messages cryptés sur son téléphone, des rendez-vous nocturnes dans des quartiers où il n’avait rien à faire.

J’ai interrogé ses amis. Certains m’ont évitée, d’autres m’ont menti ouvertement. Seul Julien, son ami d’enfance, a accepté de me parler.

— Antoine avait changé ces derniers mois… Il traînait avec des gens bizarres. Il disait qu’il devait « régler un truc important » avant de pouvoir avancer dans sa vie.

Qu’est-ce que cela voulait dire ?

Camille et moi avons décidé de mener notre propre enquête. Nous avons suivi les traces d’Antoine dans Paris : un bar miteux du 18ème arrondissement où il avait été vu pour la dernière fois ; une boîte aux lettres pleine de lettres non ouvertes ; un carnet d’adresses griffonné à la hâte.

Un soir, alors que je rentrais chez moi épuisée, j’ai trouvé une lettre glissée sous ma porte. Elle n’était pas signée.

« Arrêtez de chercher. Vous ne savez pas dans quoi vous mettez les pieds. »

J’ai eu peur pour la première fois de ma vie. Peur pour mon fils, peur pour moi-même. Mais il était trop tard pour reculer.

J’ai confronté mon ex-mari, François. Nous étions séparés depuis dix ans, mais il restait le père d’Antoine.

— Tu savais qu’il avait des problèmes ?

Il a baissé les yeux.

— Il m’a demandé de l’argent il y a quelques mois… Beaucoup d’argent. Je croyais qu’il avait des dettes de jeu. Je ne voulais pas t’inquiéter.

J’ai eu envie de hurler. Pourquoi personne ne m’avait rien dit ? Pourquoi tout le monde avait-il préféré se taire ?

Les jours ont passé, interminables. Camille dormait chez moi désormais ; nous étions deux étrangères réunies par l’absence d’un même homme. Parfois nous parlions toute la nuit, parfois nous pleurions en silence.

Un matin, la police a frappé à ma porte. Ils avaient retrouvé le portefeuille d’Antoine près du canal Saint-Martin. Rien d’autre.

J’ai compris alors que je ne le reverrais peut-être jamais.

Mais je n’ai pas abandonné. J’ai continué à chercher, à questionner, à espérer contre toute logique. J’ai découvert que mon fils menait une double vie : le jour étudiant modèle en droit ; la nuit impliqué dans des affaires troubles avec un groupe militant radicalisé.

Je me suis demandé où j’avais échoué en tant que mère. Avais-je été trop absente ? Trop exigeante ? Avais-je fermé les yeux sur ses appels à l’aide ?

Aujourd’hui encore, je vis avec cette absence qui me ronge. Je ne sais pas si Antoine est vivant ou mort. Je ne sais pas si un jour j’aurai des réponses.

Mais je sais que je ne suis pas seule : combien de parents vivent ce cauchemar silencieux en France ? Combien ignorent tout de la vie secrète de leurs enfants ?

Parfois je me demande : peut-on vraiment connaître ceux qu’on aime ? Ou sommes-nous tous condamnés à vivre avec nos illusions et nos regrets ?