Pourquoi ai-je accepté de garder mon petit-fils ? Une journée bouleversante entre amour et doutes
— Maman, je t’en supplie, je n’ai personne d’autre !
La voix de Camille tremblait au téléphone. J’ai regardé l’horloge : 7h12. Paul, mon petit-fils de deux ans, devait aller à la crèche, mais la directrice venait d’appeler : un cas de varicelle, fermeture immédiate. Camille devait absolument aller travailler à l’hôpital. Je sentais déjà la fatigue me tomber dessus, mais j’ai dit oui. Comment refuser ?
À peine arrivée chez elle, je trouve Paul en pyjama rayé, les joues rouges d’impatience.
— Mamie ! Tu restes avec moi ?
Il me saute dans les bras. Je sens son odeur de lait chaud et de lessive. Camille court partout, cherche ses clés, son badge, son masque FFP2.
— Tu es sûre que ça va aller ? demande-t-elle, les yeux cernés.
Je hoche la tête. Elle m’embrasse à peine et claque la porte. Le silence retombe. Paul me regarde avec ses grands yeux noisette.
— On joue ?
Je souris, mais au fond de moi, une angoisse monte. Cela fait des années que je n’ai pas passé une journée entière avec un enfant. Je me souviens des cris de Camille petite, de mes colères, de mes maladresses… Et si je n’étais pas à la hauteur ?
La matinée commence bien. On fait des puzzles, on lit « Petit Ours Brun ». Mais très vite, Paul réclame sa maman.
— Maman ! Maman !
Il pleure, tape du pied. Je tente de le consoler :
— Elle revient ce soir, mon cœur. Viens, on va préparer un gâteau.
Mais il ne veut rien savoir. Il hurle. Je sens la colère monter en moi. Pourquoi est-ce toujours moi qui dois réparer ? Pourquoi Camille ne me fait jamais confiance ?
Je m’en veux aussitôt. Paul n’y est pour rien. Je respire fort et le prends dans mes bras. Il se débat puis s’agrippe à mon cou.
— Mamie…
Sa petite voix me fend le cœur. Je repense à ma propre mère, si distante, si froide. J’ai voulu faire mieux avec Camille, mais ai-je réussi ?
À midi, je tente de lui faire manger des coquillettes au jambon. Il refuse, renverse son assiette. Je perds patience :
— Paul ! Ça suffit maintenant !
Il se met à pleurer de plus belle. Je me sens nulle, dépassée. Je m’assois à côté de lui et laisse couler mes larmes en silence.
L’après-midi passe lentement. On regarde par la fenêtre les voisins promener leur chien. Paul s’endort enfin sur le canapé, sa petite main serrée dans la mienne.
Je repense à Camille jeune maman, à ses reproches :
— Tu ne m’as jamais comprise… Tu étais toujours fatiguée ou en colère.
Est-ce pour cela qu’elle hésite toujours à me confier Paul ? Ai-je été une mauvaise mère ?
Quand Camille rentre enfin, elle a le visage fermé.
— Alors ? Ça s’est bien passé ?
Je sens qu’elle attend le moindre faux pas pour me juger. Je réponds doucement :
— Il a pleuré, il a ri… On a survécu.
Elle soupire et serre Paul contre elle.
— Merci maman… Je sais que ce n’est pas facile.
Un silence gênant s’installe. Je voudrais lui dire tant de choses : mes regrets, mes peurs, mon amour maladroit. Mais les mots restent coincés.
Le soir venu, seule dans mon appartement silencieux, je repense à cette journée. J’ai eu peur d’échouer, peur de ne pas être aimée comme grand-mère comme je l’ai été comme mère. Mais dans les bras de Paul, j’ai senti une tendresse nouvelle.
Pourquoi est-ce si difficile d’aimer sans se juger ? Est-ce que nos blessures d’hier nous empêchent d’être heureux aujourd’hui ? Qu’en pensez-vous ?