La poupée dans le mur : Mon nouveau départ hanté
« Tu n’aurais jamais dû ouvrir ce mur. »
La voix de mon frère Paul résonne encore dans le salon, mêlée à l’écho du plâtre qui s’effondre. Je suis là, debout au milieu des gravats, la main tremblante, tenant cette poupée de chiffon au sourire cousu de fil noir. Elle est sale, son œil gauche manque, et elle dégage une odeur de renfermé qui me donne la nausée. Mais ce n’est pas la poupée qui me glace le sang. C’est le papier jauni, plié en quatre, coincé sous sa robe :
« Je m’appelle Lucie. Si tu lis ceci, il est déjà trop tard. »
Je relis la phrase, incapable de détacher mon regard. Paul s’approche, inquiet :
— Raymond, ça va ? Tu es tout pâle.
Je lui tends la note sans un mot. Il la lit à voix haute, puis me regarde avec ce mélange d’incrédulité et de peur qu’on n’a plus ressenti depuis la mort de Maman.
J’ai acheté cette maison à Tours pour fuir Paris, pour recommencer après mon divorce. Je voulais du calme, un jardin, des voisins discrets. Mais depuis ce matin, tout me semble hostile : les murs suintent l’humidité, les planchers grincent comme des plaintes, et même le vent qui s’engouffre sous la porte d’entrée me paraît menaçant.
Le soir même, je ne dors pas. J’entends des bruits derrière les murs, comme si quelqu’un grattait doucement. Je me lève, traverse le couloir plongé dans l’obscurité, et m’arrête devant la cloison que j’ai ouverte plus tôt. La poupée est là, posée sur la commode. Je sens son regard vide me suivre.
Le lendemain, Paul revient avec sa compagne Claire. Elle rit nerveusement en voyant la poupée :
— C’est sûrement une vieille blague des anciens proprios !
Mais je vois bien qu’elle n’y croit pas vraiment. Paul fouille sur Internet :
— Regarde, il y a eu un incendie ici en 1982… Une petite fille aurait disparu…
Je sens mon cœur s’arrêter. Lucie ?
Les jours passent et l’ambiance devient irrespirable. Ma voisine, Madame Lefèvre, m’aborde alors que je rentre des courses :
— Vous avez trouvé quelque chose d’étrange dans la maison ?
Je hoche la tête sans oser parler de la poupée. Elle baisse la voix :
— On dit que cette maison porte malheur… Que les secrets des anciens propriétaires ne dorment jamais longtemps.
Je commence à perdre pied. Je rêve de Lucie chaque nuit : elle m’appelle à l’aide depuis l’intérieur des murs. Je me réveille en sueur, persuadé d’entendre sa voix dans le couloir.
Un soir, alors que je dîne seul, la lumière saute brusquement. Je reste figé dans le noir, le cœur battant à tout rompre. Un courant d’air glacial traverse la pièce. Je me précipite vers la commode : la poupée a disparu.
Je panique. J’appelle Paul :
— Il faut que tu viennes ! Quelqu’un est dans la maison !
Il arrive en trombe avec Claire. On fouille chaque pièce, chaque placard. Rien. Mais dans ma chambre, sur l’oreiller, repose la poupée… avec une nouvelle note :
« Tu ne peux pas fuir ce qui est caché. »
Paul veut appeler la police. Claire tente de me rassurer :
— C’est sûrement un canular… Un voisin farceur…
Mais je sens que quelque chose cloche profondément ici.
Je décide de tout raconter à Madame Lefèvre. Elle me regarde longuement avant de murmurer :
— La petite Lucie était ma nièce… On ne l’a jamais retrouvée après l’incendie. Sa mère disait qu’elle parlait à une amie imaginaire… une poupée qu’elle avait cousue elle-même.
Je comprends alors que ce n’est pas un hasard si j’ai trouvé cette poupée. Quelque chose attendait d’être découvert.
Les jours suivants, je commence à parler à la poupée, comme pour amadouer le fantôme de Lucie. Je lui demande pardon pour avoir ouvert le mur, pour avoir réveillé ses souvenirs douloureux.
Un matin, je retrouve une dernière note sous la poupée :
« Merci d’avoir écouté mon histoire. Maintenant tu sais pourquoi les murs pleurent ici. »
Depuis ce jour-là, les bruits ont cessé. Mais chaque soir, je regarde la poupée et je me demande :
Est-ce que j’ai vraiment apaisé l’âme de Lucie ? Ou ai-je simplement accepté que certains secrets doivent rester enfouis ?
Et vous… auriez-vous eu le courage d’ouvrir ce mur ?