Entre la colère et l’espérance : Le jour où j’ai failli tout abandonner

« Paul, range tes jouets tout de suite ! » Ma voix a claqué dans le salon, plus sèche que je ne l’aurais voulu. Il m’a regardée, les yeux brillants de défi, puis a violemment repoussé la boîte de Lego. Les pièces ont volé sur le tapis, comme si chaque couleur éclatait ma patience en morceaux. J’ai senti la colère monter, brûlante, incontrôlable.

« Tu n’écoutes jamais ! » ai-je hurlé, oubliant tout ce que j’avais lu sur la bienveillance éducative. Paul s’est recroquevillé, le menton tremblant. Mon cœur s’est serré. J’ai vu dans ses yeux la peur, la tristesse, et surtout cette incompréhension qui me renvoyait à mes propres failles.

Je me suis éloignée, les mains tremblantes. Dans la cuisine, j’ai éclaté en sanglots. Comment en étais-je arrivée là ? Pourquoi ce simple moment du quotidien se transformait-il en champ de bataille ? Je me suis revue enfant, face à ma mère, Madeleine, qui criait aussi parfois, dépassée par la fatigue et les soucis. Je m’étais juré de ne jamais reproduire cela.

Mais la vie parisienne est épuisante. Entre mon travail à la mairie du 14e, les courses, les devoirs de Paul et les factures qui s’accumulent sur la table basse, je me sens souvent au bord du gouffre. Mon mari, François, travaille tard ; il rentre quand Paul dort déjà. Je porte tout sur mes épaules et ce soir-là, elles ont cédé.

J’ai fermé les yeux et murmuré une prière. Pas une prière apprise par cœur à l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas, mais un appel désespéré : « Seigneur, aide-moi à ne pas blesser mon fils. Donne-moi la patience que je n’ai plus. »

Je suis restée là quelques minutes, le front contre le frigo. Puis j’ai entendu un petit bruit derrière moi. Paul était là, tenant dans ses bras son doudou usé.

— Maman… tu m’aimes encore ?

Sa voix était si fragile que j’ai senti mes jambes flancher. Je me suis agenouillée pour être à sa hauteur.

— Bien sûr que je t’aime, mon cœur. Même quand je crie… surtout quand je crie, c’est parce que je suis fatiguée ou inquiète. Ce n’est jamais ta faute.

Il a hoché la tête sans trop y croire. J’ai caressé ses cheveux blonds, humides de larmes.

— Tu sais… moi aussi parfois j’ai envie de tout jeter par terre quand je suis fâchée.

Il a esquissé un sourire timide.

— Même toi ?

— Oui, même moi. Mais on peut essayer de faire mieux ensemble ?

Il a pris ma main dans la sienne.

— On range les jouets ?

Ce soir-là, nous avons ramassé les Lego en silence. Mais ce silence était doux, apaisé. J’ai compris que ma foi n’était pas une baguette magique pour effacer les conflits ; elle était un refuge où puiser la force de recommencer.

Plus tard, après avoir couché Paul, je me suis assise sur le canapé avec François qui venait d’arriver.

— Tu as l’air épuisée…

J’ai tout raconté : la colère, la honte, la prière. Il m’a serrée contre lui.

— On fait tous des erreurs… L’important c’est d’en parler et d’avancer.

Mais au fond de moi, le doute persistait : suis-je vraiment à la hauteur ? Est-ce que ma foi suffit pour réparer ce que je casse parfois ?

Le lendemain matin, Paul m’a tendu un dessin : nous deux main dans la main sous un arc-en-ciel maladroitement colorié.

— C’est pour toi maman. Parce qu’on s’aime même quand on se dispute.

J’ai pleuré en silence en l’embrassant fort. J’ai compris alors que l’amour n’est pas parfait ; il est fait d’éclats et de réparations. La foi ne m’empêche pas de tomber mais elle m’aide à me relever et à demander pardon.

Aujourd’hui encore, il m’arrive de perdre patience. Mais chaque soir, avant de dormir, je prends quelques minutes pour prier : pour demander la force d’aimer mieux demain.

Et vous… avez-vous déjà eu peur de ne pas être à la hauteur pour vos enfants ? Comment faites-vous pour trouver la force de recommencer chaque jour ?