J’espérais des retrouvailles, j’ai trouvé l’indifférence : Mon séjour chez mon fils à Lyon

« Maman, tu pourrais passer l’aspirateur dans le salon pendant qu’on finit nos mails ? » La voix de Julien résonne dans l’appartement lumineux, mais glacé d’indifférence. Je serre la poignée du balai, le cœur lourd. Ce n’est pas ainsi que j’imaginais mes retrouvailles avec mon fils. Depuis un an qu’il s’est marié avec Élise, je n’étais pas venue à Lyon. J’avais rêvé de longues promenades sur les quais du Rhône, de discussions complices autour d’un café, de rires partagés. Mais dès mon arrivée, j’ai compris que je n’étais qu’une invitée de passage, presque invisible.

Le premier soir, Élise m’a accueillie avec un sourire poli, trop poli. « Tu dois être fatiguée du voyage, Françoise. On a commandé des sushis, tu aimes ça ? » J’ai hoché la tête, même si je n’avais jamais mangé de sushis de ma vie. Julien pianotait déjà sur son téléphone, absorbé par ses messages professionnels. J’ai avalé les bouchées froides en silence, cherchant un regard complice, un mot tendre. Rien.

Le lendemain matin, la cuisine était sens dessus dessous. Des tasses sales traînaient sur la table, des miettes jonchaient le plan de travail. J’ai commencé à ranger machinalement. « Oh merci maman, tu es un amour », a lancé Élise en passant devant moi sans s’arrêter. Julien est sorti de la chambre en tirant sur sa cravate : « On a une grosse journée au bureau. Tu peux te débrouiller pour le déjeuner ? » J’ai acquiescé, la gorge serrée.

Les jours ont défilé ainsi. Je me suis retrouvée à laver leur linge, à repasser leurs chemises, à récurer la salle de bain. Personne ne m’a demandé comment j’allais, ni ce que je voulais faire. Un soir, alors que je pliais une pile de serviettes dans le salon, j’ai entendu Élise chuchoter à Julien : « Ta mère est gentille mais… elle ne comprend pas notre rythme. » J’ai senti mes yeux me brûler. Je n’étais plus chez moi, ni vraiment chez eux.

Un après-midi, j’ai tenté une conversation :
— Julien, tu te souviens quand on allait au marché ensemble le samedi ?
Il a souri distraitement :
— Oui maman… mais ici c’est différent. On n’a pas le temps.
J’ai voulu insister :
— On pourrait y aller demain matin ?
Élise a levé les yeux de son ordinateur :
— Demain on a yoga et brunch avec des amis… Peut-être une autre fois ?

Je me suis sentie de trop. Pourtant, je continuais à m’activer dans l’appartement, espérant qu’un geste ou un mot viendrait récompenser mes efforts. Mais rien ne venait. Le soir, ils sortaient dîner ou regardaient une série dans leur chambre en fermant la porte.

Le dernier jour, alors que je préparais mon sac pour rentrer au village, Julien m’a lancé :
— Merci d’être venue maman ! On t’appelle bientôt !
Élise a ajouté :
— Oui, c’était sympa !
Pas un mot sur tout ce que j’avais fait pour eux.

Dans le train du retour, j’ai regardé défiler les paysages gris de la banlieue lyonnaise. Je me suis demandé où j’avais échoué. Avais-je trop donné ? Ou bien est-ce la vie moderne qui éloigne les enfants de leurs parents ?

Je repense à cette semaine passée à nettoyer leur appartement comme si c’était le seul moyen d’exister à leurs yeux. Est-ce cela, être mère aujourd’hui ? Donner sans rien attendre en retour ? Ou bien ai-je le droit d’espérer un peu de reconnaissance ? Qu’en pensez-vous ?