Quand ma patience a explosé : l’ultimatum à mon mari et le tapis de belle-maman
— Tu es encore chez ta mère ?
Ma voix tremble, le téléphone collé à l’oreille, alors que la pendule du salon affiche 21h47. J’entends au loin la voix de Julien, étouffée, comme s’il hésitait à répondre.
— Oui, Claire… Elle a encore besoin d’aide avec le tapis. Tu sais bien qu’il est lourd, et elle veut le tourner pour la troisième fois cette semaine.
Je serre les dents. Ce tapis. Depuis qu’il est arrivé dans l’appartement de sa mère, il est devenu le centre de notre vie. Ou plutôt, le centre de la sienne. Chaque soir, Julien disparaît. Il rentre tard, sentant la lavande et la soupe aux poireaux de sa mère. Moi, je mange seule devant la télé, le cœur serré.
Je n’ai jamais eu de problème avec sa mère, Monique. Une femme gentille, certes envahissante, mais jamais méchante. Mais depuis la mort de son mari l’an dernier, elle s’est accrochée à Julien comme à une bouée. Et lui… il n’a jamais su dire non.
Ce soir-là, je n’en peux plus. Je raccroche sans un mot. Les larmes me montent aux yeux. Je repense à nos débuts, à nos promesses de ne jamais laisser personne s’immiscer entre nous. Où sont-elles passées ?
Le lendemain matin, je prépare le café en silence. Julien entre dans la cuisine, les yeux cernés.
— Tu m’en veux ?
Je ne réponds pas. Il s’assoit en face de moi.
— Tu sais bien que maman ne va pas bien…
— Et moi alors ? Tu crois que je vais bien ? Tu crois que c’est facile de te voir partir tous les soirs ?
Il baisse les yeux. Un silence lourd s’installe.
— Je ne sais plus quoi faire, avoue-t-il enfin. Elle est seule…
— Et moi aussi !
Ma voix éclate dans la cuisine. Je me lève brusquement, renversant ma tasse. Le café coule sur la table, mais je m’en fiche. Je suis fatiguée d’être la femme invisible.
Les jours passent et rien ne change. Julien continue ses allers-retours chez sa mère. Je me surprends à jalouser ce fichu tapis qui a droit à plus d’attention que moi.
Un samedi matin, alors qu’il s’apprête à partir une fois de plus, je bloque la porte.
— Julien, il faut qu’on parle.
Il soupire.
— Pas maintenant Claire, maman m’attend…
— Justement ! C’est toujours elle qui t’attend ! Et moi ? Tu ne vois pas que tu es en train de nous perdre ?
Il me regarde enfin vraiment. Dans ses yeux, je lis la fatigue, la peur… et peut-être un début de compréhension.
— Je ne veux pas choisir entre vous deux…
— Mais tu l’as déjà fait !
Je sens ma voix se briser. Je n’ai jamais voulu en arriver là, mais je n’ai plus le choix.
— Julien… soit tu trouves un équilibre entre ta mère et moi, soit… soit je pars.
Il blêmit.
— Tu ne ferais pas ça…
— Essaie-moi.
Je claque la porte derrière moi et pars marcher dans les rues de Nantes. L’air est frais, les feuilles d’automne craquent sous mes pas. Je me demande si j’ai eu raison. Est-ce égoïste de vouloir être la priorité de son mari ? Est-ce cruel de demander qu’il pose des limites à sa mère ?
Le soir venu, je rentre. Julien est là, assis sur le canapé, les mains tremblantes.
— J’ai parlé à maman, dit-il d’une voix rauque. Je lui ai expliqué que j’avais besoin d’être avec toi aussi… Elle a pleuré. Mais elle a compris.
Je m’assois près de lui. Pour la première fois depuis des semaines, il me prend dans ses bras sans regarder son téléphone toutes les cinq minutes.
Mais rien n’est réglé pour autant. Monique m’en veut sûrement. Julien culpabilise. Moi, je doute encore : ai-je sauvé mon couple ou ai-je brisé une famille ?
Parfois je me demande : où est la limite entre soutien familial et sacrifice de soi ? Est-ce à moi d’imposer cette frontière ?
Et vous… jusqu’où iriez-vous pour sauver votre couple sans trahir vos proches ?