Pourquoi la maîtresse pour qui il a quitté sa famille est-elle malheureuse ?
« Tu crois vraiment que tu seras plus heureuse avec lui qu’elle ne l’a été ? » La voix de ma sœur, Claire, résonne encore dans ma tête alors que je regarde François ranger ses affaires dans notre petit appartement du 11ème arrondissement. Il est tard, la lumière de la rue filtre à travers les volets, dessinant des ombres sur le mur. Je serre la tasse de thé entre mes mains, tentant de réchauffer mes doigts glacés par l’angoisse.
Je m’appelle Amélie. J’ai 34 ans, et jusqu’à il y a deux ans, je croyais que l’indépendance était la clé du bonheur. Je n’avais jamais voulu d’attaches, ni de promesses. Mais tout a changé ce jour-là, dans ce café de la rue Oberkampf, quand j’ai croisé le regard de François. Il était élégant, posé, avec ce sourire discret qui semblait cacher mille secrets. Nous avons parlé de littérature, de cinéma français, de nos rêves d’enfance. Il ne m’a pas menti : « Je suis marié, Amélie. J’ai deux enfants. »
J’aurais dû m’arrêter là. Mais j’ai continué. Les appels se sont faits plus longs, les rendez-vous plus fréquents. Il me disait : « Avec toi, je me sens vivant. » Et moi, j’y ai cru. J’ai cru que notre histoire était différente, que l’amour pouvait tout justifier.
Le soir où il a annoncé à sa femme, Sophie, qu’il partait, il est venu chez moi, les yeux rougis. « Je l’ai fait… Je suis à toi maintenant. » J’ai voulu y voir une victoire, mais déjà un goût amer me montait à la gorge.
Au début, tout était passion. Nous sortions tard dans les rues de Paris, main dans la main, riant comme des adolescents. Mais très vite, la réalité s’est imposée. François passait des heures au téléphone avec ses enfants, tentant d’apaiser leur colère et leur tristesse. Il rentrait parfois abattu, silencieux. Moi, je restais là, à attendre qu’il redevienne celui que j’avais connu.
Un soir d’hiver, alors que la pluie battait contre les vitres, il a lancé : « Tu ne comprends pas… Ils me manquent. » J’ai voulu le rassurer : « On peut être heureux tous les deux… » Mais il a détourné le regard.
Les disputes ont commencé. Pour un rien : une chaussette oubliée, un dîner raté, un silence trop long. Je me suis surprise à lui reprocher son passé, à jalouser une vie dont je l’avais arraché. Un jour, il a reçu un dessin de sa fille : une maison avec trois personnages et un cœur brisé au-dessus. Il a pleuré dans mes bras comme un enfant.
Ma famille ne comprenait pas mon choix. Ma mère m’a dit : « On ne construit pas son bonheur sur le malheur des autres. » Claire a cessé de m’appeler. Au travail aussi, les regards ont changé ; certains collègues évitaient de croiser mon chemin.
Je me suis retrouvée seule avec mes doutes et ma culpabilité. Les week-ends étaient les pires : François partait voir ses enfants et je restais là, à tourner en rond dans cet appartement devenu trop grand pour moi seule.
Un soir d’été, alors que je préparais le dîner, il est rentré plus tôt que prévu. Il s’est assis en face de moi et a murmuré : « Je crois que j’ai tout perdu… Ma famille ne me parle plus vraiment et toi… tu n’es plus la même non plus. »
J’ai éclaté en sanglots. « Et moi alors ? Tu crois que c’est facile ? Je vis avec ta tristesse tous les jours ! »
Il n’a rien répondu. Le silence s’est installé entre nous comme un mur infranchissable.
Les mois ont passé. Nous avons essayé de recoller les morceaux, mais quelque chose s’était brisé à jamais. L’amour s’était transformé en routine pesante, en regrets silencieux.
Aujourd’hui, je regarde François dormir sur le canapé – nous ne partageons même plus le même lit – et je me demande : ai-je eu tort de croire que l’amour pouvait tout justifier ? Peut-on vraiment être heureux quand on construit son bonheur sur les ruines d’une autre vie ?
Et vous… qu’auriez-vous fait à ma place ?