Ma belle-mère voulait bien faire, mais tout a dérapé : Mon mariage est-il condamné ?

« Tu fais mal, Camille. Il va s’étouffer ! »

La voix de Monique résonne dans la cuisine, tranchante comme une lame. Je serre mon fils contre moi, les mains tremblantes. Il n’a que trois semaines, et déjà, je me sens jugée à chaque geste. Julien, mon mari, est au travail. Je suis seule avec elle depuis ce matin, et chaque minute me pèse.

J’ai grandi à Nantes, dans une famille où l’on se disait les choses sans détour, mais toujours avec tendresse. Chez les Dubois, la famille de Julien, c’est différent. On ne parle pas des problèmes ; on les contourne, on les étouffe sous des sourires polis. Pourtant, au début, tout semblait simple. Monique m’avait accueillie avec chaleur lors du premier dîner chez sa fille aînée, Claire. J’avais ri avec ses petits-enfants, partagé un verre de vin avec son gendre. Le mariage avait été une fête sincère, même si je sentais déjà chez Monique une certaine réserve.

Mais depuis la naissance de Louis, tout a changé. Monique a décidé de « m’aider ». Elle vient tous les matins, sans prévenir. Elle range mes affaires, critique mes choix : « Tu allaites encore ? Tu sais, le lait en poudre, c’est plus pratique… » ou « Tu devrais le laisser pleurer un peu, il va devenir capricieux. »

Un jour, alors que j’essaie d’endormir Louis dans sa chambre baignée de lumière douce, elle entre sans frapper :

— Tu ne devrais pas le bercer comme ça. Tu vas lui donner de mauvaises habitudes.

Je me retiens de pleurer. J’ai l’impression d’être dépossédée de mon rôle de mère. Quand Julien rentre le soir, il trouve sa mère affairée à la cuisine et moi enfermée dans la salle de bains à étouffer mes sanglots.

— Camille, tu exagères. Maman veut juste t’aider…

Il ne comprend pas. Il ne voit pas que je me sens invisible dans ma propre maison.

La tension monte d’un cran le jour où Monique décide d’organiser un déjeuner familial chez nous « pour que tout le monde voie comme tu t’en sors bien ». Je passe la matinée à préparer des quiches et des salades pendant qu’elle donne des ordres à tout le monde. Claire arrive avec ses enfants turbulents ; Paul, le frère de Julien, débarque avec sa compagne et un bouquet de fleurs fanées.

À table, Monique raconte à voix haute :

— Quand j’ai eu mes enfants, je faisais tout toute seule ! Pas comme aujourd’hui…

Je sens les regards se tourner vers moi. Je souris mécaniquement, mais à l’intérieur je bouillonne. Après le repas, alors que je débarrasse seule la cuisine, Claire me rejoint.

— Tu sais, maman est comme ça avec tout le monde… Mais elle t’aime bien.

Je hoche la tête sans conviction. Ce n’est pas de l’amour que je ressens ; c’est une surveillance constante.

Les semaines passent et la situation empire. Monique commence à critiquer ouvertement ma façon d’élever Louis devant Julien :

— Regarde comme il pleure ! Tu vois bien qu’il a faim…

Julien prend sa défense :

— Maman a raison, Camille. Peut-être que tu devrais essayer autrement.

Je me sens trahie. Je me replie sur moi-même. Les nuits sont longues ; Louis pleure beaucoup et je n’ose plus demander de l’aide à Julien. Un soir, épuisée, je m’effondre :

— Je n’en peux plus… J’ai l’impression d’être une mauvaise mère.

Julien soupire :

— Tu dramatises tout. Maman veut juste t’aider.

Le lendemain matin, je trouve Monique dans la chambre de Louis en train de lui donner un biberon sans m’avoir consultée. Je sens la colère monter :

— Ce n’est pas ce que je veux pour lui !

Elle me regarde avec pitié :

— Pauvre petite… Tu ne sais pas ce que tu fais.

Je claque la porte et sors prendre l’air sur le balcon glacé. J’appelle ma propre mère en larmes.

— Camille, tu dois parler à Julien. Mets des limites.

Mais comment poser des limites quand on se sent déjà si faible ?

Un soir d’orage, alors que Louis hurle et que Monique critique encore ma façon de faire, je craque devant tout le monde :

— Ça suffit ! C’est mon fils ! Laissez-moi tranquille !

Un silence glacial tombe sur la pièce. Julien me regarde comme si j’étais devenue folle.

Le lendemain, il part dormir chez sa sœur Claire avec Louis « pour me laisser souffler ». Je reste seule dans notre appartement vide, envahie par la honte et la colère.

Les jours passent sans nouvelles. Je me demande si mon mariage est terminé à cause d’une belle-mère trop envahissante et d’un mari incapable de prendre ma défense.

Aujourd’hui encore, je me demande : Est-ce vraiment moi qui suis trop sensible ? Ou bien faut-il savoir dire stop avant qu’il ne soit trop tard ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?