Mon fils veut que je sois sa femme de ménage : le prix de l’amour filial

« Tu pourrais venir passer l’aspirateur chez nous ce week-end ? On te paiera, bien sûr. »

La voix de Guillaume résonne encore dans ma tête, froide et presque étrangère. Je serre le combiné du téléphone, le cœur battant. Je n’ai pas su quoi répondre sur le moment. Comment mon propre fils peut-il me demander ça ? Moi, Hélène, qui l’ai élevé seule après la mort de son père, qui ai sacrifié mes nuits et mes rêves pour qu’il ait une vie meilleure…

Je raccroche sans un mot. Dans la cuisine silencieuse, je regarde la photo de Guillaume enfant, son sourire édenté, ses yeux pétillants d’innocence. Où est passé ce petit garçon qui courait vers moi en criant « Maman ! » ?

Le lendemain, je me rends chez eux à Boulogne-Billancourt. Camille m’ouvre la porte, un sourire crispé aux lèvres. « Bonjour Hélène. Tu veux un café ? » Je décline poliment. Je sens son malaise, son regard qui fuit le mien. Depuis leur mariage il y a deux ans, rien n’a jamais été simple entre nous. Camille vient d’un autre monde : ses parents sont avocats, elle a grandi dans le confort et la facilité. Elle ne comprend pas mes silences ni mes inquiétudes.

Guillaume arrive dans le salon, l’air gêné. « Maman, on sait que tu as du temps depuis la retraite… Et puis tu fais ça tellement bien… »

Je le coupe, la voix tremblante : « Tu veux vraiment que ta mère fasse ton ménage ? »

Il baisse les yeux. « On te paiera, c’est normal… »

Je sens une colère sourde monter en moi. Est-ce donc ça, le prix de l’amour filial ? Quelques billets pour effacer tout ce que j’ai donné ?

Camille intervient : « Ce n’est pas contre toi, Hélène. On est débordés avec le travail… Et puis tu sais comment Guillaume aime que tout soit parfait… »

Je la regarde, glaciale. « Quand j’étais jeune mère, personne ne m’aidait. J’ai appris à tout faire seule. »

Un silence pesant s’installe. Guillaume se racle la gorge : « On ne veut pas te manquer de respect… Mais tu pourrais nous rendre service… »

Je me lève brusquement. « Je ne suis pas une femme de ménage ! Je suis ta mère ! »

Je claque la porte derrière moi, les larmes aux yeux.

Les jours suivants sont un supplice. Guillaume ne m’appelle plus. Je tourne en rond dans mon appartement, rongée par la culpabilité et la colère. Ai-je été trop dure ? Ou bien est-ce lui qui ne comprend rien à ce que signifie être une mère ?

Ma sœur Françoise passe me voir : « Tu devrais accepter, Hélène. Au moins tu verras ton fils plus souvent… »

Mais à quel prix ? Ma dignité vaut-elle moins que quelques heures passées avec lui ?

Une semaine plus tard, Guillaume débarque chez moi sans prévenir. Il a l’air fatigué, les traits tirés.

« Maman… Je suis désolé si je t’ai blessée. On ne voulait pas te rabaisser… C’est juste que Camille et moi, on n’y arrive pas avec le boulot et le bébé qui arrive… »

Je reste muette. Un bébé ? Ils ne m’avaient rien dit.

Il poursuit : « Camille est enceinte de trois mois… On voulait attendre pour te l’annoncer… »

Un mélange de joie et de tristesse m’envahit. Je vais être grand-mère… Mais à quel prix ? Vais-je devenir la bonne à tout faire de mon propre fils ?

Je prends sa main : « Guillaume… Je t’aime plus que tout au monde. Mais je ne veux pas être payée pour t’aider. Si tu as besoin de moi pour le bébé, je serai là. Mais pas pour faire ton ménage comme une étrangère… »

Il hoche la tête, les yeux humides : « Je comprends… Pardon maman… »

Les mois passent. Camille accouche d’une petite fille, Léa. Je viens souvent les aider – donner le biberon, bercer Léa quand elle pleure la nuit. Mais jamais plus il n’est question d’argent entre nous.

Un soir d’hiver, alors que je borde Léa dans son berceau, Camille s’approche timidement : « Hélène… Merci d’être là pour nous. Je sais qu’on n’a pas toujours su se comprendre… Mais je voudrais qu’on reparte à zéro. »

Je la regarde longuement avant de lui sourire : « On va essayer… Pour Léa. »

Aujourd’hui encore, je repense à cette période douloureuse où j’ai failli perdre mon fils à cause d’un malentendu sur ce que signifie vraiment aider sa famille.

Est-ce que j’ai eu raison de refuser cet argent ? Ou bien ai-je laissé mon orgueil prendre le dessus sur l’amour maternel ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?