À 50 ans, je quitte ma femme : pas pour une jeunesse, mais pour un amour jamais éteint

« Tu vas vraiment partir ? » La voix de Claire tremble dans la cuisine, entre le bruit du lave-vaisselle et celui de la pluie qui martèle les vitres. Je serre la poignée de ma valise, le cœur battant à m’en faire mal. J’ai 50 ans aujourd’hui, et je m’apprête à tout quitter. Pas pour une aventure, pas pour une femme plus jeune. Non. Pour Marianne.

Marianne… Rien que son prénom me serre la gorge. Trente ans que je pense à elle, en silence, chaque matin en me rasant, chaque soir en fermant les yeux à côté de Claire. Nous avions vingt ans, la fac de lettres à Lyon, les cafés enfumés du Vieux-Lyon, les nuits blanches à refaire le monde. Elle était mon évidence. Mais la vie, ou plutôt la peur, m’a fait choisir Claire. Claire était rassurante, douce, solide. Marianne était le feu. J’ai choisi la sécurité.

« Papa ? » La voix de Lucie, ma fille aînée, me ramène à la réalité. Elle a 22 ans, les yeux de sa mère et mon entêtement. « Tu fais une connerie. »

Je baisse les yeux. Comment leur expliquer ? Comment leur dire que j’ai vécu trente ans à côté de moi-même ? Que chaque anniversaire, chaque Noël, chaque dispute ou réconciliation avec Claire n’effaçait rien ? Que Marianne est restée là, dans un coin de ma tête, comme une chanson qu’on n’arrive pas à oublier ?

Claire s’approche. Elle ne pleure pas. Elle ne crie pas. Elle me regarde avec cette tristesse immense qui me donne envie de hurler. « Tu aurais pu me le dire plus tôt… »

Mais comment ? Comment dire à la femme qui a tout partagé avec moi que je ne l’ai jamais vraiment aimée comme elle le méritait ? Que j’ai été lâche ?

Je repense à ce message reçu il y a deux mois. Un simple « Salut Paul, tu te souviens de moi ? » sur Facebook. J’ai cru que mon cœur allait exploser. On s’est revus dans un café à Bellecour. Elle n’a pas changé : même rire éclatant, même regard intense. Elle aussi a vécu une vie parallèle : mariée, deux enfants, divorcée depuis cinq ans. « Je t’ai attendu », m’a-t-elle dit en souriant tristement.

Depuis ce jour-là, je ne dors plus. Je vis dans l’attente de ses messages, de ses appels. Je me sens vivant comme jamais depuis trente ans.

Mais ce soir, tout s’effondre autour de moi. Lucie claque la porte de sa chambre. Antoine, mon fils cadet, refuse de me parler. Claire s’assoit sur le canapé et fixe le vide.

Je sors sous la pluie, valise à la main. Je marche jusqu’à la voiture en tremblant. Les souvenirs affluent : les vacances en Bretagne avec les enfants petits, les anniversaires surprises de Claire, les disputes pour des broutilles… Tout ce que je laisse derrière moi.

Sur l’autoroute vers Lyon, je me demande si je fais le bon choix. Est-ce égoïste ? Peut-on sacrifier trente ans de vie commune pour un amour jamais vécu ? Ou est-ce justement ça, vivre enfin pour soi ?

Marianne m’attend dans un petit appartement du 6ème arrondissement. Quand elle ouvre la porte, elle voit tout de suite mon trouble.

— Tu as pleuré ?
— Je viens de quitter ma famille…
— Tu regrettes ?
Je ne sais pas quoi répondre. Je m’effondre dans ses bras.

Les jours suivants sont étranges. Je découvre une nouvelle routine avec Marianne : les petits-déjeuners partagés, les balades sur les quais du Rhône, les discussions sans fin sur nos vies manquées. Mais mes enfants me manquent atrocement.

Lucie finit par m’appeler :
— Tu nous as trahis.
— Je sais… Mais je ne pouvais plus mentir.
— Tu aurais pu essayer encore.

Et si elle avait raison ? Ai-je vraiment tout tenté ? Ou ai-je fui au premier appel du passé ?

Marianne sent mon malaise.
— Tu penses à eux tout le temps…
— Oui…
— Tu veux rentrer ?
Je secoue la tête. Non, je ne peux pas revenir en arrière.

Un soir d’automne, alors que Marianne dort paisiblement à côté de moi, je regarde par la fenêtre les lumières de la ville et je me demande : ai-je eu raison ? Peut-on vraiment recommencer sa vie à 50 ans sans tout détruire autour de soi ?

Et vous… auriez-vous eu ce courage ? Ou cette lâcheté ?